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Un français à Beijing
28 octobre 2013

Chapitre 14 : Yuanyang, au coeur de la campagne chinoise.

Chapitre 14 : Yuanyang, au coeur de la campagne chinoise.

Lors de mon dernier article sur Kunming, je vous avais prévenu que ce n’était pas vraiment une ville où il y avait des dizaines de choses à voir, mais plutôt un endroit extrêmement agréable pour se balader. Et à vrai dire, on y est restés deux jours, mais on y a fait à peu près la même chose que lorsqu’on y était venus pour la première fois avec Fred et Erik. Aussi, je ne referai pas d’article, d’autant plus que cette fois, Sara nous ayant rejoint, j’ai des photos pour étayer mon récit.

Après cette pause à Kunming, relais de notre parcours, nous décidons de faire route vers l’Est.
La journée commence et on est déjà en retard. On est censés prendre un bus pour notre grande étape, Yuanyang et ses rizières. Petit problème : on ne prend un taxi pour la gare routière qu'une heure avant le départ, et il y a des bouchons. On s'en sort plutôt bien parce qu'il nous lâche à la gare un quart d'heure avant l'heure fatidique. On se dépêche et on essaie de trouver notre bus au milieu de tous les véhicules qui partent et de la foule qui grouille. La gare est immense, et il y a vraiment énormément de gens.

On gère, on trouve le bus dix minutes avant le départ... avant de se rendre compte qu'on a perdu Sara. Ça peut être un problème, surtout qu'elle n'a pas son portable… mais qu'elle a les billets pour le bus. Erik part à sa recherche vers le côté sud de la gare, Léo le côté nord, et moi je reste auprès du bus et j'essaie de le retenir le plus longtemps possible pour qu'ils nous attendent tous. Je patiente, inquiet, et voit successivement Erik puis Léo revenir dix minutes plus tard, seuls. Ils ont l'air un peu paniqué, et j'avoue que moi aussi – c'est le dernier bus pour Yuanyang, et personne n'a envie de repasser encore un jour à Kunming. Ils repartent donc en courant tous les deux dans des directions opposées. Le chauffeur est en train de prendre son repas à l'extérieur du bus. Tant mieux, ça nous laisse encore un peu de temps. Les minutes et les gouttes sur mon front s'écoulent, mais toujours aucun signe d'eux. Le chauffeur a fini son repas et commence à fermer tous les coffres du bus. Je vais lui expliquer la situation, et il accepte gentiment d'attendre un peu. J'attends, mais toujours rien ; je jette un coup d'œil à ma montre, midi cinquante, soit vingt minutes après le départ prévu. Les passagers commencent à sortir leur tête par la fenêtre en se demandant pourquoi on ne part pas. Au moment où le chauffeur s'excuse et me dit qu'il va devoir y aller, je vois Léo qui arrive en courant, seul. Même chose pour Erik trois minutes plus tard. Bon, bah, on n'a plus vraiment le choix.

Mais, pour le coup, on est vraiment des chanceux, parce qu'alors qu'on déchargeait nos sacs des coffres du bus avant qu'il ne parte, Léo aperçoit Sara au loin. Une minute plus tard, on entre tous les quatre dans le bus, où on constate avec surprise des lits et non des sièges à l'intérieur. Décidément, on est en veine aujourd'hui. Ce sont des « lits » de deux personnes, aussi Sara et Léo s'installent à deux en haut, tandis qu'Erik et moi, tel un vieux couple occupons la large couchette du bas. Il est une heure quand le bus démarre.

On regarde un film, puis un deuxième, et enchaînons avec un petit somme, bien plus aisé que dans un bus classique. Lorsque je me réveille il est passé 17h. Le bus roule encore un peu, avant de s'arrêter et de lâcher la moitié des passagers.

On est du coup beaucoup plus à l'aise. Sara commence à taper la discussion avec une fille qui semble être française, Léo se fait un petit somme, et Erik va squatter une double couchette non occupée. Je jette un coup d'œil par la fenêtre : la nuit a envahi le paysage, et l'on ne voit strictement rien. Tout d'un coup, je fais une pause, et réalise la chance que j'ai. Confortablement allongé dans une couchette de deux personnes, une musique me mettant d'excellente humeur dans les oreilles, je voyage de destinations incroyables en destinations incroyables. Pour le coup, ma nostalgie et ma morosité sont envolés, lorsque je réalise à quel point le voyage que je fais et les expériences que je suis en train de vivre sont extraordinaires. Dans l'obscurité du bus, j'esquisse un sourire.

Une heure plus tard, on arrive enfin. Lorsque je sors du bus, je réalise qu'on est entouré par le brouillard le plus épais que j'ai jamais vu, et super humide avec ça, avant de me rendre compte qu'on doit être au beau milieu d'un nuage. « On se croirait en Bretagne ». Mauvaise idée, la fille à qui Sara parlait est de Bretagne, de Sciences Po Rennes plus exactement. Elle s'appelle Anaëlle, (la blague), et voyage seule.

Pendant la route, Erik s'est démerdé pour réserver un endroit où dormir ce soir, et la patronne de l'hôtel vient nous chercher à la descente du bus, pour nous mener à nos chambres. C'est une bonne chose, parce qu'au milieu de ce brouillard, on n'aurait jamais su les trouver. Elle nous propose de nous faire à dîner en nous montrant les ingrédients dont elle dispose sur la table. Ça n'a pas l'air funky, mais on se voit mal refuser. Très bonne idée, parce qu'une fois cuisiné, c'est un régal (c'est souvent comme ça avec la nourriture chinoise, rappelez-vous la cantine dans le « hutong » de Chengdu le premier jour). La petite fille des patrons papillonne autour de nous. Super mignonne, elle doit avoir autour de cinq ans, et ne cesse de bouger au son d’une musique qu’elle actionne à répétition (et qui devient insupportable) sur leur ordinateur.

Alors qu'on mange tous les cinq, (on a accepté Anaëlle comme membre de notre groupe), un Occidental passe devant la porte en jetant un coup d'œil. Il entre quand il nous voit, vient se poser à notre table et commence à discuter. Ça peut paraître un peu incongru, mais ça marche souvent comme ça en Chine, entre Occidentaux, ou entre voyageurs tout simplement. Il nous demande tour à tour pourquoi nous sommes ici, et plus spécifiquement, pourquoi avoir choisi la Chine comme destination de notre année à l’étranger.

Excellente question, à laquelle je n’avais finalement jamais réfléchi. Je me creuse assez longtemps la tête avant de répondre : « Je pense que c’est à cause de ma mère. Quand j’étais petit, elle est partie avec le lycée à Pékin une semaine et demie. Lorsqu’elle est rentrée, elle nous a apporté toutes sortes de souvenirs aux formes et aux couleurs incroyables, qui ont dû, j’imagine, faire une très forte impression sur moi. Elle nous a montré les photos, qui, elles-aussi m’ont éblouie de par leur exotisme et leur caractère extraordinaire. Aussi j’ai choisi de faire du chinois au lycée, et la langue, de par son fonctionnement et son histoire m’a également passionné. Atteinte du même virus, ma sœur est partie un an, et ses échos, extrêmement positifs, ne m’ont pas fait changer d’avis. Enfin, me passionnant pour les relations internationales, la Chine est un pays stratégique, qui mérite définitivement qu’on s’y intéresse. C’est en quelque sorte une parenthèse, mais j’imagine que plusieurs d’entre vous se sont déjà posé cette question ; voici ma réponse. Revenons maintenant à nos moutons, et à notre Occidental.

Il a 22 ans, est américain, et lorsqu'on lui demande ce qu'il fait ici, il nous répond : « Moi ? Je passe une année à voyager en Asie. Il a passé les derniers trois mois à sillonner la Chine, et compte bientôt mettre le cap vers l'Asie du sud-est. Il est seul, juste un sac à dos, et affiche une détermination bienveillante. C'est un projet extraordinaire, mais il en parler avec une simplicité et une bonhomie presque déconcertante. Ça laisse rêveur... Après nous avoir souhaité un bon voyage, il prend congé, et nous l'imitons quelques minutes plus tard. On donne rendez-vous à Anaëlle avec qui on s'entend bien pour le lendemain, et allons regarder « Lust Caution », un film d'Ang Lee (le réalisateur américain qui a fait Tigre et Dragons, Brokeback Mountain, et Life of Pi). Il y a un peu de porno, mais il est vraiment intéressant, tant au niveau de l'intrigue que de la réalisation.

Premier coup d'œil par la fenêtre le lendemain matin lorsque je me réveille : blanc. Je me demande si je dors encore, mais c’est comme si on avait collé une immense feuille de papier devant la fenêtre. Je réalise alors qu’il s’agit du même brouillard que la veille, la lumière en plus, et, pour le coup, on ne voit strictement rien. Ça risque d'être fâcheux si on veut aller observer les terrasses. Erik et moi descendons, allons réveiller les deux autres qui ne sont pas d'humeur à se lever, essayons Anaëlle qui répond immédiatement présente, et nous allons nous balader tous les trois dans le village pour essayer de trouver un petit déj.

C'est une mission assez difficile, étant donné que, littéralement, on ne voit pas à deux mètres. On tourne à droite, dans une petite rue complètement isolée, descendons un escalier, traversons une grande place (on ne sait pas encore que c’est une place), et nous retrouvons au beau milieu d'un marché (oui, encore un). Vêtements, légumes, tofu qui pue, fruits, viande et poissons plus ou moins frais, les classiques quoi. Ce qui change par contre, ce sont les gens. On est à deux pas de la frontière vietnamienne, et, on le perçoit très clairement sur les traits des gens. Leur peau est plus sombre, leur visage plus creusé, et la majorité d’entre eux (les femmes seulement) portent le costume traditionnel de la minorité hani, bleu et noir, avec de jolies ornements (perles, et même des pièces françaises qui datent de l'époque indochinoise).

Je m'arrête pour acheter quelque chose qui ressemble à une baguette. Bien entendu, on en est bien loin : ça en a la forme, et c'est un peu plus court, mais c'est en fait une sorte de pain de maïs frit saupoudré de graines de sésame. Les autres n'apprécient pas beaucoup, mais j'avoue que je trouve ça délicieux. Après avoir croisé pas mal de gens se baladant avec un sac à dos en osier contenant un canard ou un poulet vivant, on semble arriver au bout.

On revient alors sur nos pas, et entrons dans une bâtisse qui ressemble de très loin à un restaurant. Une soupe de nouilles avec des herbes et de la viande ? Pas top au petit déj, mais ce n’est pas vraiment le moment d'être pointilleux... On avale ça rapidement et on remonte vers l'hôtel, en croisant Sara et Léo sur notre route. Ils se sont enfin décidés à se lever. On se fixe rendez-vous une heure plus tard et rentrons dans notre chambre, après avoir croisé la petite fille de l'hôtel qui ne nous lâche plus d'un pas.

Plus le temps passe, plus le ciel s'éclaircit et le brouillard se dissipe. Ça reste encore un peu brumeux, mais on voit maintenant nettement mieux. On se rejoint tous et décidons d'aller nous balader du côté des rizières. Le soleil frappe fort et ses rayons percent le nuage, ce qui nous permet de bien discerner le paysage. Alors qu'on emprunte le sentier sortant du village, la montagne s'étend à nos pieds, et on se rend compte qu'on est en fait assez haut. Devant nous, nous apercevons des champs, qui semblent creusés à même la montagne, et qui s'espacent tels des paliers. Ils sont inondés, ce qui renvoie la lumière du ciel et donne un effet des plus jolis.

On traverse un petit village où les gens nous regardent avec de grands yeux et un large sourire. On passe devant un arbre où une petite dizaine de gamins sont en train de cueillir ce qui ressemble à des baies. A l’entrée du village suivant, un autre groupe d’enfants nous accueille en criant. Ils sont en train de jouer sur la plus belle balançoire que j’ai jamais vue. Faite de quatre bambous plantés dans le sol, et se rejoignant en l’air, elle semble faire le bonheur des petits. On l’a à peine dépassée qu’un autre attroupement attire notre attention : une dizaine de paysans sont en train de parler (incapable de comprendre un mot de ce qu’ils disent) autour d’un tapis de cheveux noirs posés sur le sol. Assez déconcertant. Avant de sortir du village, on passe devant une entrée de maison où quatre filles sont en train de profiter du soleil. L’une doit avoir moins de dix ans, la deuxième une bonne trentaine d’année, la troisième la cinquantaine, tandis que je donnerais bien une centaine d’année à la dernière tellement sa tête qui ressemble à une vieille pomme est ridée. Un air de famille qui réunit les quatre visages, me rappelle l’espace d’un instant le roman de Lao She.

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On continue notre chemin, sortons du village, et marchons pendant une vingtaine de minutes, en pleine nature. On fait une pause à l’ombre d’une petite cabane, perdue au milieu de nulle part, et admirons le paysage qui nous entoure.

La montagne, qui continue à monter en escaliers derrière nous, s’étend à nos pieds. Des dizaines voire des centaines de « marches » descendent jusque dans la vallée. Chaque palier, inondé, reflète le blanc bleuté du ciel. Sur certains paliers, une famille canard s’ébat dans l’eau, sur d’autres, des algues vert-clair ont recouvert la surface. C’est comme si nous étions au milieu d’un immense jeu de dames en trois dimensions, où les cases ne sont pas blanches et noires, mais ciel et algues. Au milieu de cet échiquier s’étendant à perte de vue, on peut distinguer des paysans, petits points de couleurs vives, entretenant leurs champs.

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Perdus dans l’immensité, on finit par décider de rentrer avant que le soleil ne se couche. On est à peine à l’hôtel qu’on se fait attaquer par la petite furie d’hier. Elle a beau être la fille du patron, elle est déchaînée, et semble manifester toute sa joie de nous voir rentrer. Un petit brin de toilette, et on redescend pour dîner. Après avoir croisé une flaque d’urine dans les escaliers de l’hôtel que la petite nous montre fièrement, on redescend sur la place que l’on avait vu le matin (oui, maintenant on réalise que c’en est une) pour chercher de quoi manger.

On y découvre un écran géant qui diffuse CCTV, la chaîne nationale (ou comment le Parti réussit à étendre son influence jusque dans la Chine profonde). Sagement plusieurs chinois, âgés pour la plupart, regardent la jolie présentatrice présenter les reportages.
De l’autre côté de la place, un poste, couplé à des baffles fait entendre une musique traditionnelle, sur laquelle une dame esquisse des pas de danse… suivie par une petite centaine de chinois environ. Au cours de ce voyage, c’est quelque chose que j’ai remarqué aussi : les chinois aiment beaucoup ces activités. Ils mangent généralement très tôt (vers 18h environ) et un peu après font de la danse couplée à des exercices physiques, afin de garder une bonne hygiène de vie. Ils appellent ça 锻炼身体, littéralement « exercer la santé ». Toujours est-il que c’est un spectacle toujours aussi cocasse que de voir ces dizaines de chinois (tout âge et sexe confondus) lever les bras et bouger le bassin en même temps.
Après quelques plats délicieux que l’on agrémente d’une glace (j’évite tout de même les parfums maïs, cacahuètes, et petits pois), on va tous se coucher.

On avait tous un peu peur que le brouillard soit aussi dense le lendemain, mais au réveil, on a le plaisir de constater que la vue est dégagée. On va acheter deux-trois « viennoiseries » qui font office de petit-déj et on se met en route. Avant de commencer l’excursion de la journée, on passe par la gare prendre les billets du retour pour le lendemain, et, en sortant, un chauffeur nous accoste en nous proposant de nous conduire et faire le « tour » des principaux spots des terrasses. Il ne demande pas énormément, donc on accepte avec joie, voilà un des problèmes logistiques résolu.

Au début, c’est un peu chiant, parce qu’il nous mène de spots à touristes à spots à touristes où on croise pas mal de chinois qui arborent des appareils photos énormes et prennent à peu près tout ce qu’ils ont sous les yeux, sans même lever le nez pour regarder.

Puis on arrive dans un village dont la pancarte vante les « unsophisticated locals ». Un peu intrigués, on entre, et on en peut s’empêcher d’être mal à l’aise. En effet, plusieurs personnes vivent vraiment là, mais se font reluquer comme dans un zoo par les touristes ; on a un peu l’impression d’être dans une réserve indienne. A un moment, on arrive même sur une petite place, d’où l’on peut admirer quelques mètres plus bas, un homme et deux adolescents retourner la terre. Ils pataugent à trois dans la boue avec leur buffle sous le crépitement des appareils photos, tandis qu’un autre sème le riz en le lançant par petites poignées dans la boue fraiche.

On ne se sent pas trop à l’aise dans cette ambiance, aussi, on continue tout droit jusqu’à sortir du village. Et là, à perte de vue, des rizières s’étalent sous nos yeux. C’est pour le coup beaucoup plus sauvage, et on n’est plus embêtés par les touristes. On en profite pour partir à l’aventure. C’est assez difficile à décrire, donc je vous conseille de regarder les photos en même temps pour vous faire une idée plus précise. En gros, vous vous souvenez du concept « d’escaliers » de la veille ? Eh bien imaginez-vous des marches dont la longueur varie entre 3 et 15 mètres, la largeur entre 1 et 5, et la hauteur rarement supérieure à 1.5. Elles sont toutes inondées, ce qui rend le paysage encore plus magnifique. On commence alors à les parcourir, en marchant en équilibre sur les minces digues de terre qui les séparent. Alors qu’on s’est déjà enfoncé pendant une bonne vingtaine de minutes dans ce décor étrange, Erik me demande : « Hey Anthony, why don’t you jump down to the next one ? ». Il fait le malin, mais je le prends au mot : « You give me 20 kuais and I’ll do it ». Ça semble ravir les trois autres (oui, il nous en faut peu) qui insistent. J’évalue la distance qui sépare la digue sur laquelle je me tiens de celle d’en bas. Environ un mètre cinquante, avec une hauteur d’un mètre. Ça semble faisable, mais il faut juste que je ne me rate pas. Si c’est trop court c’est le plongeon dans la boue de la marche d’en bas, si c’est trop long, je vais complètement tomber deux marches plus bas, toute aussi boueuse, sans compter que la digue sur laquelle je suis censé atterrir est étroite et glissante. Je m’en tire pas mal et déçoit leurs attentes de me voir remonter couvert de boue.

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On continue notre parcours, chacun vadrouillant au gré de ses envies (il y a de la place). On se rejoint tous quelques dizaines de mètres plus bas environ, puis commençons à remonter. Il y a plusieurs passages difficiles, et Sara ne cesse de pester. Léo, Erik et moi franchissons un passage particulièrement ardu, mais les filles ont plus de difficultés. Anaëlle émerge enfin, puis Sara. Triomphante, celle-ci commence alors un footing de victoire sur une la digue pour nous rejoindre en hurlant fièrement : « Regardez, je fais mon jogging sur les rizi… », et paf, elle dérape, et s’enfonce la jambe gauche jusqu’au genou dans la boue, sous nos regards hilares.

On vadrouille encore un peu, avant de revenir au village. Alors que je remonte une grande côté pour regagner la voiture, un chinois, tout en haut a son appareil photo (sur son trépied, bien sur), et commence à me prendre en photo discrètement. C’est excellent parce qu’à chaque fois, ils sont un peu mal à l’aise, et essaient de faire en sorte que je ne les voie pas, mais bien sur ça rate souvent. Du coup, j’en profite et fais le con en esquissant toutes sortes de pauses, tout en gravissant la côte. Ça le fait bien rire, et il me montre avec un grand sourire les clichés. Avec un peu de chance, je finirai sur le coin de la cheminée, dans le salon d’une famille chinoise…

On remonte dans la voiture, où le chauffeur, qui a été rejoint par son fils, partage avec lui un bong. Le gamin doit avoir dans les douze ans, mais ça n’a pas l’air d’embêter le père. Après lui avoir demandé, il nous conduit devant une sorte de petite auberge complètement vide. Il est environ 13h30 (les chinois mangent assez tôt), mais ils acceptent encore de nous servir. On pose une table dehors, et, alors qu’on joue aux cartes en attendant, on aperçoit une sorte d’on savoure une fois de plus un repas délicieux.

Le repas fini, on remonte dans le van, et, j’avoue qu’on n’a qu’une seule envie, c’est que le chauffeur roule sans s’arrêter pour qu’on puisse faire une bonne petite sieste. Une vingtaine de minutes plus tard, il nous dépose cependant devant un site extrêmement impressionnant. C’est une espèce de chaudron, où d’énormes montagnes entourent une vallée. Leurs pentes, creusées par les terrasses, sont dans la vallée sillonnées par les rizières qui étincellent de mille feux au soleil de l’après-midi. On a l’impression de contempler un immense vitrail : les pièces de différentes couleurs sont reliées et soulignées par le trait noir des digues, le tout donnant l’impression que la vallée est éclairée par le bas de la lumière du soleil.

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On reste pantois une bonne dizaine de minutes à contempler l’immensité magique, nous demandant comment les hommes ont pu rendre possible un tel spectacle, puis finissons par décrocher, et aller chercher une glace. On prend quelques photos, alors qu’Erik essaie de faire ami-ami avec un buffle d’eau d’humeur placide. On essaie de descendre un peu, mais on se rend compte que la vallée n’est pas accessible d’où on est. En remontant, on rencontre trois enfants qui jouent aux cartes sur une souche d’arbre. Je suis quasiment sûr qu’ils ont moins de dix ans, et pourtant, tous les trois fument des cigarettes nous regardant d’un air hautain.

Alors que l’on rejoint le sommet, un car de touristes chinois débarque. De là où on est, on peut entendre la clim faire chauffer le moteur, et, à peine arrêté, ils sortent tous avec leurs casquettes, bardés de leurs immenses appareils photo. Ils ont carrément des porteurs locaux, véritables esclaves qui trimbalent toutes leurs affaires. La classe moyenne chinoise dans toute sa splendeur…

Dernière étape de la journée, Bada, réputée pour sa vue au soleil couchant. Etant donné qu’on a été plutôt rapides sur tout ce qui était « sites à touristes », on arrive environ deux heures avant la tombée de la nuit. Et mauvaise surprise en arrivant : certes le spot est magnifique, mais rien que de loin, on voit que le point de vue est hérissé de trépieds et d’appareils photos. On se rapproche et, en effet, les touristes pullulent. On peste un peu, et, pendant que les filles et Erik se reposent et boivent un peu, Léo et moi partons en repérage, à la recherche d’un oasis de solitude.
On marche, on grimpe, et on finit par dénicher un petit coin tranquille en hauteur avec une super vue. Il est assez difficile d’accès, mais au moins, il n’y a personne. A vrai dire, on est sur une des « marches » de la montagne (mais celle-ci n’est pas inondée). On rameute discrètement les autres, mais je vois un groupe de chinois nous suivre suspicieusement de l’œil.

Et, en effet, alors qu’on savoure avec sérénité la solitude de notre nid perdu, je les vois qui finissent par arriver dix minutes plus tard. Bien entendu, ils hurlent et rameutent toute la troupe, mais le côté positif, c’est qu’avec tous leurs équipements, ils sont incapables de franchir l’accès. Et ce n’est certainement pas nous qui allons les aider.

Et nous voilà finalement tous les cinq au calme dans notre petit repère avec sous nos pieds un nouveau paysage, encore une fois incroyable. On a deux petites heures à tuer, aussi, on commence à faire les cons, et on se marre bien en prenant photos débiles sur photos débiles. Mine de rien, on passe un excellent moment de complicité tous ensemble, et, avec le recul, je dirais que c’était un de ceux que j’ai préféré du voyage.

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On attend tellement le coucher du soleil que, lorsque celui-ci passe derrière la montagne, on s’attend tous à un truc incroyable. Mais finalement, les rizières qui sont passées de bleues, à blanches, puis à orange-rosé, s’assombrissent en tirant vers le gris.Une dernière blague, une ultime photo et on plie bagage, direction le bercail.

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Commentaires
O
C'est juste magnifique cette région. La route est un peu longue (un peu ;-) ) mais cela en vaut la peine.
H
Ça fait plaisir de te lire après une si longue pause dans les publications. J'espère que tu vas bien et que tu t'habitues à la vie lilloise. <br /> <br /> Un abrazo!
Un français à Beijing
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