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Un français à Beijing
28 octobre 2012

28 octobre, jour 58 :

28 octobre, jour 58 :

Cette semaine a été riche en nouvelles découvertes. Tout d’abord, lundi,  mon coloc est enfin rentré de l’hôpital. Après avoir savouré plus de deux semaines de solitude, le retour a été dur, d’autant plus qu’il ne bouge pas de son lit. Comme sa jambe a l’air de lui faire souffrir le martyre, il ne se déplace pas pour aller en cours et reste donc toute la journée dans la chambre. Great. Lorsqu’il est arrivé lundi dans l’après-midi, j’avais un méga examen pour le lendemain : je devais maitriser les deux cents caractères vus depuis le début de l’année, c’est-à-dire savoir les lire, les écrire, connaitre le sens, les tons et l’ordre des traits. Bref, un truc assez compliqué, et surtout très long et difficile à mémoriser entièrement. Mon coloc rentre de l’hôpital vers dix-sept heures, alors que je viens de m’installer à mon bureau pour bosser. Il est accompagné par un de ses amis, qui est là pour l’aider à s’installer et qui porte ses affaires. Ils commencent alors à parler et à rire tous les deux, à moins de deux mètres de moi. C’est très agaçant, car ça rend mon travail beaucoup plus compliqué, mais je me dis qu’il vient de rentrer, qu’il  est mal en point, et qu’après tout, il a le droit d’accueillir des amis dans sa chambre. Jusqu’à ce qu’un deuxième de ses amis arrive. Well… Là ça commence à faire un peu trop, je sors de la chambre pour aller manger, en espérant qu’à mon retour, ils seront partis. Dommage pour moi, lorsque je rentre, je discerne une quatrième voix en plus des trois premières : un nouvel ami s’est joint à la fête. 

C’est trop pour moi, j’empoigne mes affaires et monte au sixième demander asile politique chez mon ami égyptien. Je suis très gêné, mais il faut dire qu’ils sont du genre accueillant. Ah oui, je ne vous ai peut-être pas dit, mais la femme de Khaled, Khadija, l’a rejoint depuis quelques jours.  Elle est vraiment très sympa, et s’entend bien avec tout le monde. Bref, quand je leur explique la situation, ils m’accueillent avec un sourire et me prient d’entrer chez eux. Il faut dire que leur « chambre », n’a rien à voir avec la mienne. Grâce à l’argent de l’ambassade, Khaled peut se permettre d’avoir les plus belles chambres du dortoir : en effet, c’est carrément un appartement. En plus du balcon, il y a une grande chambre avec un lit de deux personnes, une salle de bain avec une baignoire (mon rêve), une cuisine équipée pour faire à manger soi-même, ainsi qu’une énorme salle de séjour qui fait environ deux fois ma chambre. D’où mon idée d’aller les trouver pour me poser dans un coin et réviser tranquillement. Immédiatement, ils acceptent et je suis accueilli avec une boisson chaude et des biscuits. Je bosse pendant une bonne heure ou deux, sans bruit et efficacement. Puis Khadija sort de la cuisine avec une poêle fumante qu’elle pose sur la table basse devant la télé. Elle m’ordonne plus qu’elle ne m’invite à les rejoindre tous les deux sur le canapé et à manger avec eux. J’ai mangé il y a à peine deux heures, mais j’aperçois des crevettes dans une espèce de sauce curry qui me paraît irrésistible. Je m’attable donc avec eux devant la télé et savoure le repas qui est vraiment délicieux, en riant avec K&K comme on les appelle. J’ai à peine fini mon assiette, que Dija me propose de me resservir. Pour le coup, je n’ai vraiment plus faim, donc je décline ; mais c’était sans compter sur sa ténacité : elle insiste tellement que je suis obligé d’accepter. Je suis plein, mais c’est tellement bon que je n’ai pas à me forcer beaucoup. Le repas terminé, je regagne le bureau que Khaled m’a laissé pour étudier. Comme ils s’affairent tous les deux et se parlent, je me sens un peu gêné et mal à l’aise, du coup, je leur demande si vraiment je ne dérange pas. Mais encore une fois, c’est sans compter sur leur hospitalité qui est vraiment extraordinaire : non seulement ils m’engueulent de demander des choses comme ça, mais en plus, ils me proposent de dormir sur le canapé si je veux passer une nuit tranquille. Humblement je les remercie, mais pas trop longtemps, sinon ils vont encore se fâcher. Je rebosse comme ça environ deux heures, jusqu’à ce que l’heure du dessert soit annoncée : Khaled a acheté des gâteaux chinois que l’on savoure accompagné d’un thé et d’une chicha. Enfin savoure, c’est un grand mot, car les gâteaux sont très étranges, voir dégueu. Du coup, Khaled sort les glaces du congélo et on les déguste tous les trois devant CNN. Puis je retourne à mes caractères jusque minuit. Je n’ai pas l’impression de les gêner plus que ça, mais je n’ai pas non plus envie de m’imposer trop longtemps. Après les avoir remercié chaleureusement, je regagne ma chambre 307 en constatant avec plaisir que Michael est seul. Je bosse jusque deux heures du mat’, puis me lève à six  heures (c’est ce qui arrive quand on fait tout à la dernière minute), avant d’aller en cours.

Pour une fois, j’arrive avec cinq minutes d’avance. La prof est déjà là, et nous distribue les feuilles d’examen : à mon grand désagrément, je me rends compte que ce dernier ne porte pas du tout sur les nouveaux caractères, mais sur tous les points de grammaire vus depuis le début de l’année, et que je n’ai bien sûr pas revus. J’observe la tête des gens, et aperçois la même expression sur les visages : apparemment, c’est la prof qui s’est mal faite comprendre, et non moi qui ai mal compris. Bref, n’empêche qu’au bout de deux heures, on finit tous plus ou moins satisfaits : ce n’est pas que c’est si difficile que ça, mais on a tous passé des heures sur nos caractères la veille pour rien. Résultat, quand la prof rend les notes le lendemain, je suis loin des 100/100 du premier examen. Le premier a 94, Marie 93, Sara 86, moi 84, et Khaled 40 (les autres j’ai oublié).  Bref, on est tous un peu déçus, et la prof se moque de nous quand on lui dit qu’on s’attendait à autre chose. Bon ça va, parce qu’elle nous donne aussi des bonbons, mais quand même. A midi, on se rend tous chez Khaled, où est organisée une petite fête de rencontre entre tous les étudiants étrangers, afin de mieux se connaitre. On se marre bien et il y a des pizzas, donc c’est assez sympa. On finit par des frozen yogurt qui ressemble à des espèces de glaces : encore une fois, c’est très étrange, mais pas mauvais du tout.

Le lendemain, je suis assis en cours à côté de Khaled, et je me rends en fait compte qu’il a été très atteint par son 40/100. Depuis le début de l’année, il a pas mal de problèmes en chinois et ne se débrouille pas très bien, malgré les efforts colossaux qu’il fait : comme il n’y arrive pas, il bosse tous les jours presque une dizaine d’heures, ce qui fait qu’il se couche très tard. Je pense que sa note à l’examen l’a affecté, et là, il semble avoir jeté l’éponge. En effet, à la pause, il nous annonce qu’il a été au bureau des étudiants étrangers afin de négocier sa démission : face à ce qu’il appelle une « perte de temps », il préfère rentrer au Caire, afin d’étudier des choses qui vont lui permettre de parfaire son CV et de monter un peu plus en grade. Nous, ça nous déprime de le voir comme ça, et encore plus de l’entendre parler de tout arrêter et de rentrer, donc on essaie de le consoler et de le motiver comme on peut. Rien à faire, il a l’air très abattu, et semble inconsolable. Je lui propose alors de l’aider à travailler, peut-être pas tous les soirs, mais plusieurs fois par semaine. Sara et Marie acquiescent immédiatement et se joignent à cette proposition : à nous trois, on devrait pouvoir l’aider chaque jour. On le laisse seul mijoter jusqu’au lendemain, avant de lui rappeler notre proposition : il a l’ai de meilleure humeur et un peu plus motivé, et accepte en nous remerciant.

Du coup, le soir, rebelote, Sara et moi squattons leur appart. Cette fois, je signifie bien à Dija que j’ai déjà mangé, et qu’il est inutile de me faire avaler quoique ce soit. Vers vingt heures, on se pose sur le canapé autour d’un thé avant de travailler. CNN parle des élections américaines dont l’échéance approche rapidement, puis digresse sur un opposant chinois qui… et là, chose incroyable, l’écran de télé devient noir, et le son se coupe. On ne saura jamais ce qui se passe à propos de l’opposant chinois : même la télé est censurée, c’est assez flippant. Comme si de rien n’était la télé se rallume quelques minutes plus tard sur la météo. On commence alors à faire nos devoirs tous les trois sous l’œil bienveillant de Dija. Après quelques instants, cette dernière change de chaine et l’on tombe sur un film français. C’est l’histoire de deux jeunes de banlieue qui se font passer pour des gardes du corps d’une célébrité… bref, ça a l’ai très nul, mais Sara et moi, on ne peut s’empêcher de rester scotchés devant le poste, étant donné que ça fait plus de deux mois qu’on n’a pas vu un film français passer à la télé. On finit quand même par retourner à nos devoirs, mais le rythme se ralentit considérablement : on écrit une phrase, puis on regarde cinq minutes le film, ce qui fait que lorsque celui-ci se termine deux heures plus tard, on n’a même pas encore fait la moitié de nos devoirs. On accélère quand même, mais c’est long et fastidieux, à tel point que vers vingt-trois heures trente, je m’arrête. Et là, venu de nulle part, je propose aux autres : Hey guys, what about a blind massage ? Who’s in ?

C’est ça aussi le truc qui est bien dans les années à l’étranger : tous les trucs qui nous semblent fous, deviennent possible. Et apparemment, les autres l’ont bien compris aussi, car ils acquiescent tous avec enthousiasme. Et nous voilà tous les quatre, à minuit, dans la rue, en route pour un massage. Quelques minutes plus tard, on entre tous dans une espèce de bouge un peu glauque : la dame de la réception nous accueille mollement, et nous dirige vers une salle assez louche. Quatre lits sont alignés, chacun avec une espèce de trou à l’extrémité. En se marrant tous les quatre, on y prend place. Les masseurs arrivent et nous indiquent comment nous installer : on s’allonge et on met notre tête dans le trou. La spécificité du blind massage, c’est que, comme son nom l’indique, les masseurs sont aveugles. Nous voilà allongés tous les quatre, alignés sur nos lits respectifs, la tête dans le trou. Puis nos masseurs commencent : les épaules d’abord, puis les trapèzes et les omoplates. Le gars me fait super mal, ses doigts mes broient les muscles, mais je supporte stoïquement. Puis au bout de cinq bonnes minutes, il passe aux épaules, mais c’est toujours aussi douloureux. Après un quart d’heure, il me frappe le cou, les épaules, les trapèzes et les omoplates très fort avec le plat de sa main, et là, je commence enfin à apprécier : toute cette zone est maintenant entièrement détendue, et je peux presque sentir le sang  y circuler. Pendant ce temps, le masseur de Sara a commencé à entamer la conversation en chinois : même si on ne comprend pas tout ce qu’il dit, elle est capable de lui répondre et même de lui poser des questions. Devant ce succès, mon masseur se joint à la conversation, et commence à me parler. Encore une fois, je ne saisis pas tout, mais juste de quoi comprendre et lui répondre. Dija qui ne parle pas un mot de chinois se sent complètement perdue, et Khaled galère un peu à comprendre et se faire comprendre, mais globalement, on parle tous plus ou moins normalement. A un moment, un des masseurs nous parle d’un truc, que l’on ne comprend pas : SaKeQi. On lui dit qu’on ne comprend pas et lui demande de nous expliquer, mais rien à faire on ne voit toujours pas de quoi il veut parler. Puis au bout de cinq minutes, j’ai un éclair : je comprends qu’il veut en fait parler de Sarkozy, dont le nom chinois doit être SaKeQi. Gagné, c’est ça, du coup, on peut reprendre la conversation où on l’avait laissée. En attendant, mon masseur me demande de sortir la tête du trou et de la poser de côté sur le matelas. Avant que je n’ai le temps de comprendre ce qu’il m’arrive, il appuie lentement mais surement sur ma machoire, et là, j’entends tout mon cou craquer. Très effrayant sur le moment, mais lorsque que je relève la tête, ça fait un bien fou. Avant que je n’ai eu le temps de broncher, il me demande de poser la tête sur le matelas mais de l’autre côté : cette fois, je sais ce qui m’attend, et, à nouveau, j’entends mes cervicales craquer. Brrrrr ! Une fois le haut totalement détendu, il commence à descendre : mon dos, mes reins, jusqu’à mes fesses qu’il pétrit avec entrain. La scène est surréaliste, la tête dans le trou, je nous imagine tous les quatre à minuit et demie, en plein cœur de Pékin en train de se faire malaxer les fesses par des Pékinois aveugles, je ne peux m’empêcher de rire. J’ai beau avoir la tête dans le matelas, les autres m’entendent et on commence tous à se taper un fou rire. Après quelques minutes, il passe à mes jambes, et, je ne sais pas pourquoi, une fois de plus, j’attrape un fou rire silencieux incontrôlable. Il a beau être aveugle, il doit sentir tout mon corps trembler alors qu’il me détend les jambes. Au bout de quelques instants, ça se calme, et je peux à nouveau joindre la conversation normalement. Finalement, après une heure de massage, les aveugles nous frappent énergiquement tout le corps pour faire circuler le sang, nous saluent et s’en vont ; ça y est, c’est fini. Il est une heure du matin passée, et nous rentrons tous les trois aux dortoirs, alors que Sara reprend un taxi vers son appartement.

Le lendemain matin, lorsque je me réveille, j’ai la mauvaise surprise de constater qu’il est onze heures. Aïe, j’avais un cours à huit heures ce matin, raté, mon réveil n’a pas eu le dessus. Plus important encore, j’ai quatre heures de cours à donner cette après-midi, et je ne suis pas prêt : je me dépêche donc d’imprimer tous les documents dont j’ai besoin et file à Centrale. J’arrive avec une heure d’avance, ce qui me permet de préparer un peu les cours qui m’attendent : deux heures avec les deuxièmes années (que je n’ai pas encore eues), et deux fois une heure avec deux groupes de première année (que j’ai déjà eus la semaine dernière). Avec les 2A, je suis sensé refaire une émission de « C’est mon choix ». Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une émission de téléréalité qui passait en France, où plusieurs invités avaient récemment quitté leur métier pour en exercer un totalement nouveau. Etaient conviés sur le plateau leurs amis, leur famille, leurs collègues, ainsi qu’un sociologue, sans compter le public qui intervenait régulièrement. Lorsque la sonnerie retentit, je vois deux, trois, quatre élèves rentrer dans ma salle. L’un d’entre eux s’avance, et m’explique dans un français très correct qu’aujourd’hui, c’est l’anniversaire de l’université qui fête ses soixante ans. Il me tend alors quatre billets qui sont en fait des mots d’excuse des élèves : ces quatre derniers sont volontaires pour participer et organiser les festivités de l’anniversaire… ce qui fait qu’ils ne pourront pas assister à mon cours. Je n’ai pas le temps de dire ouf qu’une élève m’annonce qu’elle restera une demi-heure, mais qu’après, elle aussi devra y aller. Well… je me retrouve donc face à quatre élèves au lieu de neuf. Pour la première heure, j’essaie de me débrouiller un peu : je fais plusieurs activités pour les faire parler le plus possible en français. Au bout de vingt minutes, nous ne sommes plus que trois. Gloups… Finalement, après la première heure, je leur laisse une petite pause de cinq minutes. Je n’ai pas le temps de me demander comment je vais gérer la deuxième heure et mettre en place l’émission de téléréalité avec seulement trois élèves, qu’ils sont devant moi et commencent à me poser des questions. Ils sont trop drôles, on dirait des petits animaux très curieux qui cherchent à savoir un peu qui je suis et comment je vis. On parle un peu, puis arrive la sonnerie : nous y voilà, comment je vais me démerder ? Pour que l’émission fonctionne, il était censé y avoir une dizaine de membre différents : plusieurs interviewés, un présentateur, les proches des interviewés, le sociologue, le public etc. Well… Je prends une décision rapide : il n’y aura qu’un interviewé. Je leur explique alors le principe du jeu, et, même s’ils ne semblent pas très bien comprendre le rôle du sociologue, ils ont l’air motivé. Tel un ministre du budget, j’effectue des coupes drastiques par rapport à ma feuille de route initiale : je suis le présentateur et leur propose de choisir entre trois autres rôles : l’interviewé, le sociologue et le collègue. Au diable les proches et le public, on fera sans. Je leur explique bien ce que j’attends d’eux et leur laisse un bon quart d’heure pour préparer. Je passe dans les rangs pour les aider et répondre à leurs questions, mais ils veulent à tout prix se débrouiller tout seul. Soit, j’en profite pour revenir à mon bureau et penser à une activité que je pourrais éventuellement faire en plus si l’émission de téléréalité ne dure pas jusqu’à la sonnerie. Finalement, je sonne la fin de la préparation et le début de l’émission. En tant que présentateur, j’essaie de les mettre dans l’ambiance et de leur donner une idée de ce que j’attends d’eux. Et là,  j’avoue qu’ils me bluffent : l’interviewée, Elisa, est une ancienne ingénieure qui a décidé de se reconvertir dans la chanson. Sans regarder une fois sa prép, elle explique dans un français pas parfait mais très fluide les raisons de ce choix. Les autres Yann et Vincent jouent totalement le jeu, et, même si je dois parfois intervenir pour orienter le débat ou la conversation vers telle ou telle direction, ils assurent vraiment tous les trois. Si bien que quand la sonnerie retentit, ils continuent de parler, et c’est même moi qui doit les arrêter.

Me voilà à mi-chemin, il me reste encore deux heures de cours avec les premières années. Je les ai déjà eus la semaine dernière, et, avec eux, ce n’est pas du tout la même chose, car ils ne parlent quasiment pas un mot de français. Néanmoins, j’étais content de voir que quand ils entraient dans ma classe, presque tous me saluaient avec un grand « bonjour professeur » accompagné d’un sourire. Après avoir fait l’appel, je lance la première activité en leur demandant de me poser des questions sur tout et n’importe quoi. Une fois de plus, je me rends compte qu’ils n’ont rien compris, et qu’ils savent encore moins poser des questions, alors je reprends tout depuis le début. Bien que nuls, ils m’ont au moins l’air d’être motivés et sont pleins d’entrain. Tant mieux, ça facilite grandement les choses pour moi : où ? quand ? comment ?, ils commencent à comprendre, mais ont plus de mal sur est-ce que ? et quel est ? Finalement, ils comprennent et finissent -après vingt minutes quand même- par me poser des questions. Deuxième étape : leur faire réviser les chiffres. Là, petite activité toute conne, mais très sympa et qui a l’air de bien les amuser, on se met tous en rond et on commence à compter. Un pour le premier, deux pour l’autre, trois quatre et ainsi de suite. Le premier qui rate est éliminé. Les tours se poursuivent et les joueurs diminuent, jusqu’à ce que le meilleur gagne. Apparemment, je ne sais vraiment pas pourquoi, mais ils ont un problème avec treize et seize. On remet ça, mais cette fois, je joue avec eux, et je leur demande d’accélérer, ce qui fait qu’on se marre tous. Dernière activité : je les divise en deux équipes, distribue 9 chiffres à chaque équipe et inscrit un grand nombre au tableau genre 7582. Chaque équipe doit alors former le nombre le plus vite possible pour gagner un point. Une fois fait, je les fais tous lire le chiffre, les corrige et les fait répéter à nouveau, avant d’inscrire un autre chiffre au tableau. Finalement, la sonnerie retentit et tous rangent leurs affaires, avant de me dire au revoir avec un grand sourire. Suis le deuxième groupe : celui-là est, comme la semaine dernière, un peu moins concentré, mais j’essaie de capter leur attention. A partir du moment où je l’ai, c’est gagné, je peux faire ce que je veux avec eux. Une fois de plus ça sonne, et ma journée de cours est terminée.

Mais pas ma journée, car aujourd’hui, c’est l’Aïd, et Khaled a envie de faire quelque chose de spécial, pour le célébrer avec nous. Il nous présente donc son ami Mustapha (Sasa), qui est lui aussi diplomate égyptien à Beijing. On s’entend tout de suite bien, et il nous emmène dans un restaurant syrien extrêmement luxueux. Sasa et le patron sont amis, ce qui fait qu’on a tout de suite une table, et, malgré le nombre de clients (au moins quatre-vingt), on est servis immédiatement. Et à vrai dire comme des rois. J’ai compté le nombre de plats et, pour les huit convives que nous étions (Sara, Marie, Khaled, Dija, Sasa, Paco, Erik et moi), on a eu exactement trente-huit plats, tous plus délicieux les uns que les autres. Une fois rassasié (je suis parti tellement précipitamment le matin, que je n’ai rien eu le temps d’avaler), je jette un coup d’œil au restau. Nous sommes dans une immense salle, richement décorée où sont attablés des convives de toutes les nationalités : environ un quart d’occidentaux, un quart de chinois, un tiers d’arabes, et le reste de nationalités inconnues. A notre droite, une grande tablée de yéménites avec leurs agals (coiffe traditionnelle saoudienne) dansent au rythme du DJ qui passe des chansons arabes. Arrive ensuite la bellydanceuse qui effectue une danse du ventre qui envoute toute la salle. Puis vient le dessert qui m’a l’air des plus délicieux, mais aussi plein de cacahuètes. Voyant ma tête un peu dépitée, Khaled s’arrange pour m’avoir un dessert sans : une crème à l’orange pas mauvaise du tout, avant que n'arrive le thé. Entièrement repus, on savoure une chicha en parlant très peu et en appréciant le moment.

Mais l’on doit finalement partir, car on a prévu d’aller au cinéma, et le film ne va pas tarder à démarrer. En effet, lorsqu’on entre dans la salle, celui-ci a déjà commencé depuis dix minutes. Comme c’est en anglais sous-titré chinois, ce n’est pas évident pour tout comprendre, surtout si on a raté le début, mais on finit par y arriver. Le film s’appelle The Bourne Legacy. Pour ceux qui connaissent, c’est le quatrième épisode de la trilogie de Jason Bourne. Les trois premiers sont géniaux, mais celui-ci n’est vraiment pas super, notamment parce que l’acteur vedette (Matt Damon) n’y figure pas.

Deux heures plus tard, nous sommes dans la rue, un peu dépités car nous nous attendions à quelque chose d'un peu mieux. Qu’à cela ne tienne, on reviendra la prochaine fois. En attendant, on se rend au Gymnase des Travailleurs, dans un bar sympa. Alors qu’on marche traverse une rue, on entend des cris : deux hommes sortent en courant d’un bar et commencent à se battre. Avant d’avoir eu le temps de réagir, l’un empoigne une bouteille et la fracasse sur le crâne de l’autre, mais ils finissent par être séparés par leurs amis respectifs. Paisiblement, nous continuons et finissons par arriver au Bar de la Porte Cachée, qui est carrément engoncé dans le gymnase. Après une bière ou deux, nous finissons par rentrer.

Le lendemain matin, je me réveille avec un message de Khaled sur mon portable : Houhai then bowling, meet you in the lobby at 3 :30. Très bien, pourquoi pas : il est trois heures et quart, j’ai juste le temps de prendre une douche et d’avaler un bol de céréales avant de retrouver Dima, Aidar, Khaled et Dija dans le hall. Direction Houhai, un très grand parc, pas très loin de l’université, avec de grands lacs, très jolis. Marie et Sasa sont censés nous rejoindre, mais tous les deux semblent très en retard, ce qui fait qu’on patiente dans le parc pendant une heure ou deux. Aidar propose des massages à toutes les jolies filles qui passent, il sort aussi des ballons de sa poche, les gonfle et s’amuse avec, se moque des chinois qui essaient de l’arnaquer en lui proposant tout et n’importe quoi, bref, on rigole bien. Le paysage est magnifique, il est environ cinq heures, et le soleil qui entame son coucher projette une lumière orangée sur les feuilles des saules pleureurs qui bordent le lac. Des enfants jouent avec cerfs-volants immenses, des groupes d’amis pédalent sur des bateaux au milieu du lac, des chinois viennent même y nager… On aperçoit aussi un couple de mariés qui prend une photo sur un pont au-dessus du lac, devant le soleil couchant. Aidar se débrouille pour nous faire incruster sur la photo, et nous voilà tous en train de serrer les mariés dans nos bras devant l’objectif. Finalement, Sasa puis Marie nous rejoignent, mais le soleil s’est couché. Qu’à cela ne tienne, on loue quand même un bateau, et nous voilà tous les sept au beau milieu du lac, en train de se marrer une fois de plus. Comme Khaled et Sasa ont un diner ce soir avec l’ambassadeur ou je ne sais quoi, on se dépêche pour ne pas les mettre en retard. Le groupe se divise : Khadija accompagne les deux diplomates pour leur diner, Marie se rend à ce qu’elle a présenté comme une « fête dans le métro », et Dima, Sara (qui nous a rejoint) et moi suivons Aidar qui nous emmène dans un restaurant kazakh.

L’endroit n’a pas le faste du restaurant syrien de la veille, mais le cadre est très joli, il y a même un chanteur a la voix douce qui psalmodie au fond de la salle. Sur les conseils d’Aïdar (qui je vous le rappelle est kirghize), nous commandons tous une soupe à la viande traditionnelle kazakhe. J’accompagne ça d’une espèce de fricassée de bœuf à la crème avec des oignons et des champignons, un délice. Puis, en attendant que Sasa, Khaled et Dija aient fini leur repas, nous discutons autour d’une bière.

Finalement, Dima ne se sent pas super bien et préfère rentrer au dortoir. Aïdar, qui est son coloc, choisit de l’accompagner, ce qui fait que nous nous rendons tranquillement au bowling, Sara et moi. Lorsqu’on y arrive, on s’aperçoit qu’il est fermé. Ballot ça. On n’a pas le temps de plus réfléchir que Sasa nous rejoint : le truc pratique, c’est qu’il a une voiture, donc, après avoir récupéré Khaled et Dija, nous mettons le cap vers Chocolate.

Chocolate est une boîte branchée de Beijing fréquentée en majorité par des russes. Au grand déplaisir de Khaled, Sara et moi ne sommes pas trop fans des boîtes de Beijing, mais, pour ce soir, nous choisissons de l’accompagner. Et finalement, je ne regrette pas cette décision, car l’endroit est plutôt sympa. En effet, à la différence des boites traditionnelles, il y a énormément de tables. Comme la salle est immense, ces nombreuses tables se conjuguent harmonieusement avec une piste de danse assez grande, ce qui fait que tout le monde est content. Comme à son habitude, Khaled commande immédiatement une chicha, mais je commence à en avoir un peu marre, donc je demande juste un mojito.  On passe une heure ou deux à siroter notre boisson et se moquer des gens qui dansent. D’après ce que je comprends, un show est prévu ce soir, et, en effet, quelques instants plus tard, celui-ci commence : il consiste en une série de numéros exécutés par différentes personnes. On a droit à un peu de tout : des danseuses à moitié nues, qui viennent aguicher les clients, une espèce de gogo-dancer qui roule des mécaniques, une fille qui exécute des figures suspendue à un ruban au-dessus du sol, ainsi qu’une grosse rombière, elle aussi à moitié nue qui pour le coup, est vraiment répugnante. Je ne sais pas, ça doit surement plaire aux russes, car elle a presque autant de succès que les simili-prostituées du début. Finalement, le show se termine et un groupe de musiciens d’une bonne cinquantaine d’années monte sur la scène : on se demande un peu ce qu’ils font là, mais très rapidement, ils réussissent vraiment  à ambiancer la salle et à mettre le feu. Tant est si bien que l’on finit par rejoindre les danseurs sur la piste et se trémousser pendant quelques dizaines de minutes. L’effet de la fatigue commençant à se faire sentir, j’annonce aux autres que je ne vais pas tarder, et d’un commun accord, nous rentrons tous vers trois heures du matin.

Dimanche, repos et devoirs au programme, de quoi affronter la nouvelle semaine qui s’annonce.

 

 

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