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Un français à Beijing
12 mars 2013

Chapitre 1 : Chengdu, la capitale décontractée (26-27 janvier).

Chapitre 1 : Chengdu, la capitale décontractée (26-27 janvier).

Après une bonne journée à profiter de la solitude de ma chambre, (mon coloc étant parti), Erik vient me chercher vers 19h. Surprise, il n’est pas seul, car Fred -son pote suédois du lycée- l’accompagne, et semble apparemment faire partie du voyage. Soit. On est plutôt affamés tous les trois, alors on se trouve un petit restau de jiaozi (饺子, mot qu’il vous faut absolument maitriser si vous venez en Chine : ce sont les raviolis chinois), avant d’aller rejoindre Sara. Une demi-heure plus tard, nous grimpons tous difficilement dans un taxi (à quatre plus les bagages, ça fait pas très large) et arrivons à l’aéroport. Les ennuis commencent car Fred (qui travaille dans un magasin pour activités en plein air, et est du genre aventurier) a deux couteaux dans son sac, et apparemment, même en soute, c’est un problème. On essaie de négocier avec les gens de l’aéroport qui veulent lui confisquer, mais on réalise qu’apparemment, c’est un truc grave, et qu’ils nous font une fleur de ne pas nous retenir pour ça. Bref, on embarque et quelques heures plus tard, nous voilà à Chengdu, capitale du Sichuan. Il est trois heures du matin passées, et on est plus ou moins dans le gaz après le demi-sommeil de l’avion, mais, par la fenêtre du taxi qui nous emmène à l’hôtel, j’apprécie déjà la ville, bien plus verte et aérée que Beijing. On est au milieu de la nuit, mais la température est vraiment agréable, alors qu’encore une fois, c'est une Beijing glaciale que j'ai quittée.

On finit par arriver à l’hôtel, et, surprise, comme on n’a rien réservé (le début d’une longue série), il n’y a plus de place dans les dortoirs, mais on nous propose deux chambres de deux personnes. Comme Erik et Fred sont potes, c’est moi qui ai le privilège de dormir avec Sara. Ça fait un peu bizarre d’être à deux dans le même lit, mais on se marre bien.

Le lendemain matin, on savoure un petit-déj très correct à l’hôtel avant de décider du programme. Etant donné le temps des plus agréables, on décide d’explorer la ville à vélo, moyen de transport qui se révèle une excellente idée. En effet, on peut aller à peu près à tous les endroits que l’on désire, tout en savourant la caresse du vent sur notre visage et en découvrant la ville dans ses moindres recoins.

On fonce sur les longues artères, nous faufilons à travers les voitures, longeons la rivière où de nombreux chinois sont en train de profiter de l’endroit en famille, et nous arrêtons dans un temple bouddhiste.  Ce monastère de la dynastie des Tang dédié à Wenshu, le boddhisattva de la Sagesse est immense et extrêmement bien préservé. Malgré l’afflux des fidèles, les effluves d’encens et le murmure des psalmodies contribue à instaurer une atmosphère de sérénité. Je repère une mamie avec une casquette Nike, alors qu’une minette en mini-jupe vient pieusement s’agenouiller devant une statue dorée.

On continue de marcher et entrons dans la partie « jardin » du monastère. Je ne sais pas, je dois avoir un truc, mais ces endroits-là me fascinent et m’apaisent. Tout y respire la paix, l’harmonie et la sérénité. Pour ceux qui ont une bonne mémoire, le temple taoïste de Hong-Kong avait produit exactement le même effet sur moi. Nous déambulons lentement entre les arbres et les bassins, suivant les petites allées de pierre qui serpentent entre les grandes roches et les vieux assis ensemble. On voit que le Nouvel An approche car des moines sont en train d’accrocher des lanternes rouges un peu partout. C’est un peu bizarre, mais tous les chinois qui me croisent me sourient. Plutôt déconcertant.

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Alors que je m’efforce de leur rendre leur sourire, j’entends une espèce de mélopée sourde. Pas de doutes, ça vientdu temple. Je me rapproche avant de découvrir une grande cour où une bonne cinquantaine de fidèles, divisés en deux colonnes, sont en train de prier. Alors que la colonne de droite entonne l’incantation entêtante, celle de droite s’agenouille et prie. La mélopée décroit à droite, mais est reprise à gauche par les fidèles qui prennent la relève, alors que ceux de droite s’agenouillent. Ils sont là à prier comme ça, à tour de rôle pendant une demi-heure, en parfaite symbiose. Alors que je les observe, complètement sous le charme de cet hymne qui me va droit au cœur (je sais, j’ai tendance à être lyrique quand j’écris, mais c’était vraiment poignant de voir tous ces gens communier), je remarque une ligne jaune, un peu effacée sur le sol de la cour. Je la suis des yeux, et réalise que tous ces gens sont en fait en train de prier... sur un terrain de badminton. Sacrés moines, quand les touristes ne sont pas là, ils doivent bien se marrer. Je resterais bien encore un petit peu, mais la magie du lieu ne semble pas opérer sur tous, car Erik semble motivé pour repartir. Soit, j’ai hâte de découvrir cette ville. 

On reprend les vélos, mais les reposons quasiment immédiatement car on est dans des rues piétonnes d’un quartier apparemment animé. Le soleil qui brille donne l’occasion à tous de sortir le bout de leur nez, et les petits vieux squattent les terrasses. On se croirait difficilement en plein hiver… On atterrit dans une espèce de brocante où l'on peut à peu près voir tout et n’importe quoi sur les stands : papèterie, livres, bijoux, lunettes, maroquinerie, fourrures, antiquités, porcelaines, sans oublier bien sur les photos et les portraits du Grand Timonier. Une table basse et quelques tabourets au milieu de la rue sont autant d’opportunités de voir les chinois se rassembler autour d’une partie d’échecs, de go, ou de mah-jong. Après avoir flâné un peu, on avise un salon de thé en plein air bondé de chinois. On dégote une table et, sur un sol jonché de graines de tournesols et de cacahuètes, savourons avec calme un thé aux fleurs en réfléchissant à ce qu’on pourrait aller voir ensuite.

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Le plus sage est d’aller le plus vite possible à la gare routière retirer nos billets pour le lendemain, ce que nous nous empressons de faire. Une fois ce problème réglé, nous nous mettons en quête d’un restau parce que le petit déjeuner commence à être loin. On roule, encore et encore jusque à arriver en pleine cambrousse. C’est excellent, on est vraiment dans le centre centre de Chengdu, mais on a atterri on ne sait comment dans une zone très ancienne de la ville. D’après ce que je peux en déduire, c’est l’équivalent des hutongs de Beijing : des petites rues très étroites, habitées par des gens très nombreux et très pauvres. Elles sont la plupart du temps dans un état sanitaire assez déplorable, mais je dirais que ça fait partie de son charme. La municipalité bien sûr, fait tout pour améliorer les conditions sanitaires de ces zones, mais, comme l’immobilier dans les grandes villes chinoises est un marché en plein essor, la mairie préfère détruire ces hutongs, histoire de reconstruire des grandes barres d’immeubles ou des grattes ciels.

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Bref, je reprends mon histoire, on arrive dans ce quartier pommé au centre de Chengdu : il y a des grues et des chantiers partout, mais on finit par atterrir, au milieu d’une rue typique vers 17/18heures. Il ne fait pas encore noir, les chinois sont attablés sur des espèces de terrasses, en train de manger, de discuter, de jouer, ou tout simplement à savourer la fin de la journée. Quand ils voient débouler les quatre occidentaux à vélo au milieu de leur petite rue super étroite, ils ne peuvent s’empêcher de parler entre eux, de nous faire un signe de la main, ou de nous héler un « nihao » souriant. Nous, on passe au milieu de cette rue avec les yeux grands ouverts : c’est vraiment très étroit, mais les chinois sont en terrasse du côté gauche de la rue pendant que sur le côté droit, des "restaurateurs" préparent à manger pour les clients. En plus de l’animation sonore qui y règne, une odeur lourde flotte dans la rue. Pour vous donner une idée, c’est un peu entre l’odeur des détritus qui, à certains endroits jonchent le sol, et la bonne odeur des plats en train d’être préparés. On finit par arriver au bout de cette allée, et là on hésite : on a aperçu un restaurant qui ressemble un minimum a un restaurant à la fin de la rue, mais, comme on est plutôt short niveau budget, on se dit qu’essayer une des "cantines" du hutong reviendrait certainement moins cher. Par contre niveau propreté…

Allez, on est là pour expérimenter après tout ; on pose les vélos, répondons aux saluts des chinois que nous croisons, et entrons dans la première "cantine" que nous croisons. Et là, direct, on ne peut s’empêcher de piquer un fou rire. Je vous décris rapidement la pièce : très petite (une bonne vingtaine de mètres carrés maxi), elle est divisée en deux parties. La première est le côté qui donne sur la rue. Il est quasiment entièrement occupé par le gars qui fait la cuisine : ce dernier dispose d’une grande table sur laquelle sont posés deux réchauds accueillant chacun une énorme poêle en fonte. A  côté des réchauds sont étalés plusieurs espèces de bassines contenant chacune un ingrédient : des feuilles de salade dans la première, de choux blanc dans la seconde, de petits pois dans la suivante… je me rappelle aussi d’oignons, de champignons, de céleri, de haricots verts, ainsi que du canard, du porc, des abats, sans oublier toutes les choses chinoises que je suis incapable de nommer (bien entendu, tous ses ingrédients ressemblent vraiment très peu à ce qu’on pourrait trouver pour la même dénomination en France). 

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On s’installe donc, en rigolant bien sûr, car nos pieds glissent sur le sol, tellement il est huileux et sale (on cherchant bien, on peut y retrouver les ingrédients mentionnés ci-dessus). Les murs sont dans un état lamentable, sans parler du système électrique qui n’est pas sans nous inquiéter. On pose nos sacs avec une certaine appréhension sur des sièges en plastique douteux avant de revenir vers le côté-rue pour choisir les ingrédients que l’on désire dans notre assiette. À ce moment-là, Sara aperçoit en-dessous de la grande table du cuistot une grande bassine remplie d’une eau trouble. Y baignent une espèce de torchon crasseux, de gros morceaux de viande (qui ressemblent fortement à celle sur la table), quelques paires de baguettes et une bouteille de bière. En cherchant bien, on doit pouvoir trouver une ou deux mouches. Feignant de n’avoir rien vu, nous regardons stoïquement le cuistot qui nous attend avec un grand sourire. On commence à choisir nos ingrédients en prenant bien soin d’éviter tous les trucs louches. Nous nous dirigeons vers le fond de la cantine, prenons chacun une bière, et nous servons un bol de riz (qui pour le coup à l’air bien blanc) dans une grande gamelle en fonte. Entre temps, nous observons deux ou trois ouvriers qui viennent s'installer à côté de nous : casque jaunes, couverts de poussière, démarche pesante. Ça fait peut-être un peu caricature, mais ils nous sourient découvrant une dentition dans un état lamentable et enlèvent leur casque révélant des cheveux très gras. Après avoir commandé, ils ouvrent une grande bouteille de baijiu (白酒, deuxième mot à connaitre si vous venez en Chine ; c'est un l'alcool national, fait à base de riz et super fort, plébiscité par l'ensemble des chinois), et la versent partagent en trois, en la versant carrément dans des bols. 

Pas le temps d’apprécier plus le spectacle, car le cuistot arrive avec nos plats. Et là, surprise générale, ça a l’air bon, mais vraiment trop bon. Arrivent cinq ou six assiettes où le chef (remarquez le changement de lexique) a assorti deux ou trois ingrédients dans chacune. Comme dirait Erik, c’est vraiment un perfect match entre les ingrédients sélectionnés, et je ne peux qu’approuver. Honnêtement, je n’ai rien à redire, et apprécie l’un des meilleurs repas chinois de cette année.

Enchantés, on rentre à l’hôtel après avoir acheté quelques bières qu’on y savoure en jouant au ping-pong. Notre bus a beau être très tôt le lendemain, on se couche bien après minuit. 

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