Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un français à Beijing
6 octobre 2012

Hong-Kong.

Tout d'abord, mes excuses pour le manque d'informations et mon absence apparente sur le blog. Je suis parti à Hong-Kong d'où je n'avais pas accès à Internet, ce qui rendait difficile la publication de mes aventures. Quelques jours après, voilà mon papier, plutôt costaud étant donné le nombre de choses que j'ai pu voir. J'ai pris énormément de photos, mais je n'ai malheureusement pas encore trouvé le moyen de vous les transmettre. Un récit sans bonnes photos ne vaut pas grand chose, du coup, j'ai été vous en chercher quelques unes sur Google ; j'ai choisi celles qui se rapprochaient le plus de ce que j'ai vu. Vos commentaires sont toujours les bienvenus :)

 

Introduction :

Pour ceux qui l’ignorent, Hong-Kong est une ville littorale de plus de sept millions d’habitants, située au sud de la Chine, et divisée en quatre secteurs : Hong-Kong Island, Kowloon, les New Territories et les îles environnantes. Le centre de gravité de la ville est situé des deux côtés du Victoria’s Harbour : le nord d’ Hong-Kong Island et le sud de Kowloon. Aussi incroyable que cela puisse paraître, 70% de la superficie Hong-Kong est couverte de collines verdoyantes, de montagnes et de forêt tropicale, dont l’essentiel se trouve dans les New Territories. Hong Kong est aussi la ville la plus riche de Chine ; son économie est une des plus libérales au monde. C'est un pôle financier et commercial d'envergure mondiale qui obéit au principe « un pays, deux systèmes », ce qui lui permet de conserver son système légal, sa monnaie, et même son système politique.

 

 

Premier jour : Arrivée à Hong-Kong.

Bip… Bip… Bip… Bipbip… Bipbip… : lever cinq heures du matin, le temps de marcher jusqu’au métro, et de prendre ce dernier jusqu’à la navette qui m’amène à l’aéroport.

Mon vol fait escale à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang. Je descends à l’aéroport, et regarde le tableau d’affichage pour avoir des infos sur mon vol de 14h15. Problème : il y a un vol à 14h10 et un autre à 14h15, mais aucun des deux ne va à Hong-Kong. Sur le moment, gros coup de panique. J’essaie de me renseigner, j’examine les autres étages de l’aéroport, je regarde même en désespoir de cause le tableau d’affichage des arrivées, mais rien n’y fait, aucune trace de mon vol. Well… Je finis par tomber sur un plan de l’aéroport et vois qu’il est divisé en deux ailes : les « domestic flights » (vols entre différentes villes chinoises), et les « international flights ». Et là, je me dis que malgré tout, Hong-Kong est peut-être encore considérée comme une destination « internationale », étant donné que son rattachement à la Chine date de 1997. Je gagne donc l’aile des vols internationaux, jette un coup d’œil au nouveau tableau d’affichage, et, bingo, je vois le fameux MU595 à destination d’Hong-Kong, entre un vol pour Moscou et un autre pour Tokyo.

Soulagé, je récupère mon nouveau billet, passe le contrôle de sécurité et me dirige vers les bureaux du Ministère de l’Immigration. Etant donné que le vol est considéré comme international, je sors de la Chine, et dois donc avoir des papiers spéciaux. La gorge un peu nouée (je n’ai eu mon nouveau visa que la veille, j’espère qu’il fonctionnera), je marche donc vers le policier chinois au bureau et lui tends mon passeport et mon billet. Il jette un coup d’œil au billet, puis examine mon passeport. Il me le tend en marmonnant un truc. Apparemment, il faut au préalable remplir une carte spéciale, qu’il me désigne. Je m’exécute et lui tends quelques minutes plus tard : il tapote sur son clavier, scanne mon passeport, lui ajuste un coup de tampon sonore et me le rend ; première étape passée avec succès.

La seconde a lieu après l’atterrissage à Hong-Kong. En effet, lorsque l’on arrive, les non-résidents doivent remplir un autre nouveau formulaire. Ce que j’ai découvert après avoir fait la queue pendant au moins vingt minutes avant d’arriver jusqu’au guichet. Heureusement, le gars est compatissant, et m’autorise à lui donner une fois complété sans avoir à me retaper la file d’attente. Bon, une fois, cette étape passée, je suis enfin à Hong-Kong !

Tout se passe comme prévu : j’ai choisi de voyager léger alors je n’ai même pas de bagage en soute à aller récupérer. Après avoir retiré 2000 HK dollars (Hong-Kong n’a pas la même monnaie que la République Populaire de Chine), je prends l’Airport Express qui me mène jusqu’au métro, que je prends pour me rendre dans mon « hôtel ». Après quelques minutes à essayer de me frayer un chemin au milieu de la foule, je finis par émerger au beau milieu de Paterson Street (c’est ma rue !). À vrai dire, le spectacle est assez incroyable : des centaines, voire des milliers de gens déambulent dans cette rue sans voitures. Grandes surfaces, enseignes de luxe, cinémas, fast-foods, écrans géants de publicité, night-clubs, je me rends compte que je suis en plein centre d’ Hong-Kong.

Stoïque et émerveillé à la fois, je la remonte jusqu’à tomber sur mon building. Un peu perdu, j’essaie de suivre la maigre adresse de mon logement indiquée sur le site et monte au troisième étage. Au détour d’un couloir, je finis par dénicher un comptoir de réception. Pas trop sûr, je m’avance, tends mon passeport, paie, signe ma réservation et échange 100 HK$ contre les clefs de ma chambre.

Numéro 311, j’ouvre : personne. Comme il n’y a pas de fenêtres je ne discerne pas encore tous les détails dans la semi-obscurité. J’allume et entre dans le Caesar Palace : je dirais quatre mètres de long sur deux mètres de large, un lit superposé et un autre lit simple, perpendiculaire. Avec la minuscule salle de bains (douche et toilettes néanmoins), on doit arriver à 10m². C’est très petit, mais ça semble propre, et ça a le mérite d’être bien situé pour un prix raisonnable. Je jette un deuxième coup d’œil : je suis en veine car sur les deux matelas du lit superposé, j’aperçois des vêtements, alors que l’autre est nickel. Belle, au moins, j’ai le meilleur lit.

J’ai à peine le temps de sortir mes affaires que la porte s’ouvre, et un homme d’une bonne trentaine d’année me salut d’un « Hey » enjoué. Simon, trente-quatre ans, encore un British. Il m’accueille avec enthousiasme et me dis qu’il ne fait que passer prendre quelque chose avant de repartir (il est environ dix-neuf heures). Après ce premier contact plutôt positif, je vais prendre une douche. J’avise un tube avec du shampoing sur le rebord de la douche, ça tombe bien, puisqu’ils m’ont confisqué le mien à l’aéroport. Un peu fatigué, mais ragaillardi par la douche, je range mes affaires sans valeur dans un casier derrière mon lit, mets les autres dans mon sac à dos que j’empoigne avant d’aller me balader.

Quand je sors, le soleil s’est couché et il fait « noir ». La rue a alors un aspect totalement différent et est illuminée par une multitude de néons et d’enseignes publicitaires. Je décide de me perdre dans la ville. C’est extrêmement facile puisque je suis dans un quartier extrêmement branché, où toutes les rues se ressemblent. C’est bien beau de savoir qu’Hong-Kong est une ancienne concession anglaise du sud de la Chine, mais concrètement, ça signifie plusieurs choses. D’abord, qu’il fait extrêmement chaud et humide, on se croirait en Martinique. Et ensuite, que les voitures roulent à gauche, ce que j’ai appris à mes dépens quand un taxi a failli me renverser, alors que je regardais à droite avant de traverser. Une fois ces informations notées, je me mets à observer les rues, et surtout les gens. Hong-Kong  semble d’après ce que je vois, une ville bien plus cosmopolite que Beijing. Je suis certes dans le centre de l’île principale (Hong-Kong Island), néanmoins, c’est assez marquant. Une grande majorité d’Asiatiques ; même si je ne sais pas encore distinguer les chinois des non-chinois, je remarque pas mal de japonais, de coréens etc. Si ces derniers sont aussi présents à Beijing, ce qui change, c’est la forte densité de populations musulmanes : cela va des Saoudiens aux Pakistanais, en passant par les Indonésiens, c’est assez intéressant de voir ces profils si différents partager la même religion. On peut aussi ajouter à cela pas mal d’Occidentaux, ça parle anglais et allemand, mais pas mal français aussi. A ces différentes cultures se superposent différents styles : manga, bonze, fashion victim, hippies, gaga, gothiques, clubber etc. Cette utilisation de la mode, du maquillage et de la coiffure gomment les différences et mélangent les genres ce qui permet à certains de changer, en apparence, d’âge, de culture, voire de sexe. Très déroutant, mais néanmoins très intéressant.

Au fur et à mesure de ma promenade, j’essaie de comprendre la ville : les hommes évoluent aux pieds des gratte-ciels immenses au rythme des feux qui émettent un bruit strident différent en fonction de leur couleur, des rues larges laissent passer des files de voitures de luxe et de taxis et les piétons circulent en masse sur des passerelles au-dessus des routes pour ne pas gêner la circulation. J’ai l’impression de vivre dans le futur, d’être tombé au beau milieu d’une scène de l’Attaque des Clones, ou de Minority Report. Je remonte la Lockhart Street avec –déjà !- un sentiment de trop-plein, de dégout, de malaise. Chaque magasin est bondé, chaque centimètre carré de la rue est illuminé par une enseigne publicitaire, chaque parcelle de terrain est vouée à la consommation. J’ai déjà été sur l’Avenue des Champs-Elysées à Paris, sur Oxford Street à Londres, mais là, ça n’a plus rien à voir, on est passé à un niveau au-dessus. Et quand tu penses avoir tout compris, tu vois une espèce de tout petit autel bouddhiste avec des bâtons d’encens entre un night-club et un magasin Louis Vuitton. C’est à la fois un spectacle qui m’émerveille et me fascine, mais dans le même temps une impression d’oppression et de rejet de tout ce qui m’entoure. Les gens se comptent par milliers : ils sont là, agglutinés dans les magasins, affairés par leur quête de consommation. Je ne peux m’empêcher de penser à Pascal et au désir : ces gens doivent être malheureux, ou perdus, ils fuient leurs inquiétudes personnelles, et préfèrent se vautrer dans le luxe et consommer comme des moutons. Je n’ai pas fait dix pas que je sens un bras s’enrouler autour de mon cou. Je me retourne immédiatement et aperçois une jeune fille qui m’offre ses charmes : « Hello big boy, how old are you ? ». Si on lui enlève son maquillage, je pense qu’elle doit être plus jeune que moi, mais sur le coup, je reste stupéfait. Je décline avec un sourire gêné sa proposition et continue ma route. Je suis en quête d’un restaurant pour diner et examine les nombreux choix à ma disposition. Je regarde les différentes cartes, et n’en crois pas mes yeux : les premiers prix sont à plus de 100HK$. Ça fait dix euros, mais à Beijing, qui est pourtant une capitale, je mangeais tous les jours pour à peu près dix fois moins. J’essaie de changer de rue et d’étudier les autres menus, mais c’est extrêmement cher. Sachant qu’il me reste 600HK$ pour un peu plus de trois jours, ça va faire très très juste. En attendant, je poursuis ma route et me fais encore accoster par pas moins de quatre autres prostituées (je ne mens pas !). C’est quoi cette ville de fous, il est à peine vingt heures et c’est déjà comme ça ?

J’avise une grande surface et y entre pour trouver un cadenas pour mon casier. Vu le prix, je me dis que je vais me passer de repas pour ce soir, et savoure pour seul dîner une canette de Coca bien fraiche. Je continue à marcher un peu vers le côté mer et me balade le long de la côté. Soudain, j’aperçois un rai de lumière qui illumine le ciel. C’est étrange, il vient du haut d’un gratte-ciel de la ville. Il s’éteint. Puis il est suivi d’un autre rai de lumière, qui émerge lui d’un autre building. Sur l’île d’en face (Kowloon), un nouveau rai lui répond. En quelques minutes, une douzaine de lumières dansent dans le ciel, et ce pendant une vingtaine de minutes. Stupéfait et émerveillé, j’observe avec enthousiasme ce spectacle qui, tout d’un coup prend fin, sans que je sache pourquoi. Plus tard, j’apprendrai qu’on l’appelle « La Symphonie des Lumières », et que, tous les soirs entre vingt heures et vingt heures vingt, les gratte-ciels des deux îles projettent des lumières qui balaient le ciel surplombant la baie.

La Symphonie des Lumières.

Un peu fatigué, par mon voyage, je rentre vers ma chambre, en prenant bien soin d’éviter les péripatéticiennes malavisées. Toujours personne dans la chambre, j’en profite pour reprendre une douche (il fait sacrément étouffant), et planifier mon séjour : j’ai trois jours devant moi, comment vais-je les exploiter ? Je me dis de faire une île par jour : Hong-Kong Island pour demain, Kowloon le jour d’après, et Lantau (une troisième île avec un énorme Bouddha) le dernier jour. Alors que je prépare mon itinéraire pour le lendemain (choses à voir, restaurants les moins chers, endroits sympas etc.), j’entends un bruit de clefs, et la porte s’ouvre. C’est mon second coloc. A peine plus âgé que moi, il m’apprend dans un anglais impeccable qu’il est allemand, qu’il est ravi de me voir, mais qu’il a trop fait la fête, et qu’il n’a pas dormi depuis trois nuit, et que donc, il a absolument besoin d’aller se coucher. Soit. Il s’exécute, et moins de trois minutes plus tard, il dort déjà à poings fermés. Simon rentre quelques instants plus tard. On parle une minute ou deux, il va prendre une douche, pendant que je range mes affaires dans mon casier que je verrouille avec mon nouveau cadenas, et nous nous couchons tous les deux vers minuit.

 

Deuxième jour : Hong-Kong Island.

J’entends vaguement du bruit, suivi de la lumière de la salle de bain qu’on allume. Je me retourne et jette un coup d’œil à mon réveil : huit heures et quart. Je l’avais réglé pour huit heures et demie, donc j’attends paresseusement dans mon lit qu’il sonne. Une fois levé, je salue mes deux comparses qui émergent aussi : la chambre est si petite, qu’on a du mal à s’habiller et préparer nos affaires à trois en même temps, mais je finis par sortir. J’arrive dans la rue, bien moins peuplée qu’hier soir.

J’ai prévu de commencer ma journée dans le parc Victoria, qui est juste à côté de mon logement. Moins de cinq minutes plus tard, j’entre dans l’enceinte du parc, et commence à marcher paisiblement. L’air n’est pas encore étouffant, et l’ambiance le matin est différente. Je me fais doubler par plusieurs joggers, dépasse quelques courts de tennis déjà pleins, et m’assied sur un banc devant une grande étendue d’herbe. Je suis venu assez tôt pour pouvoir contempler des Hongkongais faisant leur séance matinale de Taïchi. Il y a plusieurs groupes qui, chacun de leur côté, évoluent à leur niveau. C’est assez incroyable de voir les mêmes chinois qui, la veille spéculaient sur les valeurs boursières, concluaient des contrats de plusieurs millions de dollars,   ou conduisaient la dernière Aston Martin, se retrouver le matin pour pratiquer des exercices physiques d’un autre âge. Ils évoluent tous, avec grâce et sérénité au doux son d’une flûte. Entre le sport, la danse et le combat, ils enchaînent les mouvements amples, tantôt rapides et violents, tantôt lents et fluides, mais toujours de façon harmonieuse. Il semble y avoir du mouvement dans un des groupes ; j’observe plus attentivement et, en effet, tous se regroupent vers leurs sacs, en sortent une épée, et commencent à exécuter les mêmes mouvements avec leur arme. C’est quelque chose de tellement incroyable à concevoir que de voir ses gens exécuter des figures à l’épée à l’ombre des gratte-ciels. J’aperçois aussi un homme qui s’exerçait seul s’arrêter, puis revenir avec un imposant éventail. Il commence alors à déployer lentement ses bras, plier ses jambes puis se relever dans un mouvement fluide jusqu’à accélérer tout d’un coup et déplier violemment son éventail d’un rouge flamboyant. On dirait une espèce d’insecte qui fait une parade nuptiale, c’est à la fois très esthétique et impressionnant.

Séance de Taichi au Victoria Park.

Je reste là, à les observer pendant une petite demi-heure, puis décide de continuer mon chemin dans ce parc. J’emprunte une allée, boisée, qui me mène dans une espèce de clairière où la végétation me rappelle celle de Guadeloupe. J’avise un banc où je me pose, juste en face d’un chat roux, confortablement allongé entre deux branches d’un arbre. Après m’être reposé quelques instants au milieu de cette verdure, j’emporte un joli galet comme souvenir et quitte cette jungle pour une autre, plus grise celle-là.

Cette fois-ci, je me dirige vers le centre d’Hong-Kong Island et emprunte une rue, sur laquelle, pendant trois cent mètres, il n’y a que des concessionnaires automobiles : Volkswagen, Rover, Peugeot-Citroën, Suzuki, Mitsubishi, sans oublier bien sûr Porsche, Ferrari, Lamborghini, Maserati et même Rolls Royce. Les buildings se font de plus en plus hauts, on voit que j’approche du centre. Etant donné que les îles hongkongaises sont des espèces de collines, l’intérieur des terres est bien plus haut, ce qui fait que je monte avec peine les nombreux escaliers pour arriver à ma destination : le temple Man Mo. Ce faisant, je passe par Hollywood Road, une rue parallèle au littoral où j’admire les très nombreux magasins d’antiquités chinoises. Je finis par arriver au temple : engoncé dans un flanc de colline au milieu d’une rue assez commerciale, il est en réalité beaucoup plus petit que ce à quoi je m’attendais. Lorsque j’entre, je suis d’abord frappé par la forte odeur d’encens qui attaque mes narines, et par la fumée qui embue mes yeux. Il fait assez sombre, mais je distingue de grandes spirales disposées sur l’ensemble du plafond. Il faut un peu de temps pour que je réalise que ce sont en fait ces spirales qui répandent l’encens dans tout le temple. Je me promène devant les différents autels, richement ornés, où une statue trône à chaque fois au centre, entourée de bougies, de fleurs et d’offrandes, la plupart du temps des fruits. Des statues des différentes divinités (Man : le Dieu de la Littérature, et Mo : celui de la Guerre) côtoient celles de divinités ou de symboles secondaires : ici une chèvre, là ce qui ressemble à un chien, sans oublier les figures humaines, parfaitement sculptées. Les lanternes donnent à la pièce une ambiance tamisée, que la forte odeur d’encens rend un peu magique. Tout d’un coup, une vive brulure sur mon épaule me fait sursauter : un bout d’encens vient de me tomber dessus. Cependant, comme la pièce est relativement petite, la visite est de courte durée, et je ressors rapidement. J’aperçois une espèce d’arbre rose que je n’avais pas vu en entrant : ce n’est en réalité pas un arbre, mais des dizaines de bouts de tissus roses contenant des vœux et des prières des croyants, accrochés à une espèce de tronc et ornés de fleurs. Voulant le contempler de près, je constate que le temple possède une deuxième entrée : celle-ci mène dans une antichambre où des gens, portant des bâtons d’encens se recueillent et prient devant des statues. Passant humblement au milieu de cette scène où j’ai l’impression d’être un alien, je me dirige vers la pièce principale. Celle-ci est en fait un mémorial aux 20 000 victimes d’une épidémie de peste bubonique qui a ravagé le côté chinois de la ville au début du XIXème siècle. Cette commémoration se traduit concrètement par des centaines de plaques de verre teinté sur les murs, éclairées par des lampes et ornées par des fleurs et des fruits. C’est assez impressionnant, et même moi, qui ne connaît rien de l’évènement en ressort assez marqué.

L'intérieur du Temple Man Mo.

Assez marqué certes, mais néanmoins affamé. En effet, si l’on ne tient pas compte du peu que j’ai mangé dans l’avion et de la cannette de Coca d’hier soir, mon dernier repas remonte à plus de vingt-quatre heures. Je redescends un peu vers le bord de mer pour trouver de quoi manger. Faisant confiance à mon guide, j’opte pour le Ser Wong Fun, bon compromis entre nourriture typiquement cantonaise et prix très bon marché. Seul restaurant où l’enseigne n’est pas en alphabet latin de la rue, j’entre avec un peu d’appréhension : plusieurs tables disposées au centre d’une grande pièce, quelques clients (uniquement des chinois), une télé, et une sorte de petit autel au fond de la pièce. Me demandant ce que je fais là, je jette un coup d’œil au serveur qui a l’air presque autant surpris que moi de me voir entrer dans son restaurant. Je finis par choisir une table près du mur, pose mon sac à dos, et m’y installe. Quelques minutes plus tard, il arrive avec un menu, entièrement en cantonnais (sous-titré en mandarin) auquel je jette un bref coup d’œil. D’après mon guide, ce restaurant est connu pour sa spécialité hongkongaise : la soupe de serpent. Ça tombe bien, je sais lire soupe et serpent en chinois, et j’arrive à localiser le fameux plat sur le menu. Advienne que pourra, je suis ici en quête d’aventures, et indique donc ladite soupe au serveur. Avec un demi-sourire, celui-ci acquiesce et revient une minute plus tard avec un verre de thé brulant. Il n’a pas vraiment de gout, mais a au moins le mérite d’apaiser ma soif (il fait toujours aussi chaud). J’ai à peine fini mon verre qu’il arrive pour m’en servir un deuxième, belle. En attendant mon plat, je regarde la télé, c’est un film de kung-fu, genre Tigre et Dragons. Je n’ai pas le temps de plus m’y intéresser car, après quelques minutes, le serveur revient avec la soupe : sans trop regarder ce que j’ai dans le bol, je prends une profonde inspiration et goutte le breuvage. Très étonnant. Pas forcément mauvais, mais assez surprenant. Je crois déceler des champignons, du gingembre, et il y a un arrière-gout d’orange, mais le mélange de tous les ingrédients possède un gout riche et mystérieux. Je m’en tire pour 65HK$ et sors du restaurant.

La fameuse soupe de serpent.

What now ? J’avais prévu d’aller admirer la vue sur le Peak qui domine l’île, mais il est encore trop tôt, donc je préfère aller me reposer un peu au milieu du Hong-Kong Park. Un peu fatigué, j’emprunte un tapis roulant qui m’emmène vers le haut de la colline sur environ deux cents mètres. J’arrive dans les hauteurs et déambule vers l’ouest, en direction du parc. Avant de l’atteindre, je passe devant une église, cachée au beau milieu des gratte-ciels, c’est assez déconcertant. Je finis par y arriver, et me voilà face à de grands bassins du plus pur style chinois, avec moult nénuphars et lotus, carpes koï et tortues qui se dorent au soleil. Je savoure le spectacle et continue ma promenade. Après être passé en dessous d’une espèce de grotte, j’atterris devant des cascades artificielles. Je remonte un peu le chemin et tombe sur deux immenses cages (on pourrait dire des enclos), contenant des oiseaux énormes, des espèces de mainates imposants. J’ai de la chance, il y a un gars dans l’enclos qui est en train de les nourrir : il puise dans son sac et leur balance des sauterelles géantes que les volatiles attrapent au vol. Après avoir assisté à ce spectacle, je sors de ce coin là, mais l’escalier est bloqué par un groupe de touristes (malaises je dirais) qui sont en train de prendre une photo. J’attends derrière elles pour descendre, mais me voyant là, elles me disent de venir. Du coup, moi je veux juste passer, mais elles m’empoignent toutes pour faire une photo avec elles. Pourquoi pas après tout, on se marre bien. Je propose à celle qui prend la photo d’aller rejoindre ses amies pour que je les prenne toutes en même temps, mais celle-ci saisit l’occasion pour se faire prendre en photo juste avec moi. J’en connais une qui va le bouffer en lisant ça, mais elle insistait pas mal, me serrait dans ses bras et tout et tout. Du coup, j’ai mis un peu de distance et ai rapidement pris congé en m’éloignant vers une autre aile du parc.

Hong-Kong Park.

Je suis alors entré dans une sorte de jardin aménagé, avec au centre une statue aux nombreuses têtes de femmes, des sculptures, des allées fleuries et une fontaine aménagée. Le tout était tellement esthétique que je me suis assis sur un banc pour l’observer quelques minutes. Mon dieu que c’est triste de voyager tout seul. Personne avec qui partager des souvenirs, confronter des impressions ou tout simplement savourer la présence. Pas le temps d’y penser plus longuement, car des cris d’enfants viennent interrompre mes songes. Un jeune couple vient en effet d’arriver avec ses deux enfants qui trempent leurs mains en riant dans la fontaine. Le plus petit finit par faire tomber sa chaussure dedans, ce qui fait que les parents essaient de la récupérer. Profitant de leur attention relâchée, la plus grande des deux enfants (elle doit avoir quatre ans), s’éloigne vers moi et me regarde sérieusement. Je lui sourie, elle me sourit, je lui fais une grimace, elle éclate de rire… et vient se hisser sur mon banc pour s’assoir à côté de moi. Elle commence à me parler en cantonais, quand son père vient nous rejoindre, à moitié gêné, à moitié amusé. Il m’explique qu’il est en congé aujourd’hui étant donné que c’est la fête nationale (nous sommes en effet le premier octobre), ce qui fait qu’il est venu se promener avec sa famille. Il demande ensuite à sa fille de me dire bonjour, et cette dernière s’exécute en me serrant la main. Allons bon, pas tant de formalités entre nous jeune fille, du coup, je tente un high-five auquel elle répond en riant. Ils finissent par s’éloigner tous les quatre, me laissant seul. Il y a une grande tour d’observation juste à côté qui permet de contempler le paysage alentour. Après avoir monté les cent-cinq marches, je me dis que ce que je préfère dans ce parc, ce n’est pas tant les cascades et les bassins qui composent un tableau parfait, mais le décor alentour, avec d’un côté les gratte-ciels et de l’autre les montagnes. Je finis par descendre et m’achemine vers un endroit que j’ai vu du haut de la tour, et qui m’intrigue.

C’est en fait un parc à l’intérieur du parc, un espace géant entièrement recouvert d’un filet car il abrite des dizaines d’oiseaux différents qui évoluent au milieu de grands arbres et de cascades. C’est très joli et on peut voir les oiseaux de très près, quasiment les toucher. Finalement, je sors de la structure et me dirige vers une espèce d’immense amphithéâtre romain où sont assises un peu partout différents groupes de visiteurs. C’est sympa, mais je repense aux paroles du père de la petite fille de tout à l’heure : si on est un jour férié, ça signifie que pas mal de chinois sont en vacances… ce qui veut dire qu’ils vont se bousculer pour aller dans les principales attractions touristiques de la ville, et notamment celle que j’ai choisie de voir juste après : le Peak. 

Le parc aux oiseaux.

Le Peak, ou Victoria’s Peak pour les intimes, est le plus haut spot de l’île, qui offre un panorama imprenable sur la cité qui s’étend en dessous. Le problème, c’est que, comme c’est un point assez élevé, c’est assez long et difficile d’y accéder. Voilà pourquoi a été créé le Peak Tram qui, en plus de nous amener au sommet, propose également un voyage d’une dizaine de minutes où l’on peut découvrir Hong Kong d’une façon originale. Il est environ quinze heures quand je me rends à la station de ce tram, et je découvre une longue file de gens faisant la queue pour acheter les tickets. Je la contemple des yeux, depuis le bureau de vente des tickets, puis suis du regard les gens qui se s’alignent. Je suis obligé de sortir du bureau pour suivre, la file, puis de l’accompagner en marchant pour voir jusqu’où elle s’étend. Le gars de tout à l’heure n’a pas menti, elle s’étire sur au moins deux cents mètres… Eh bien, tant qu’à commencer, autant s’y mettre tout de suite. J’avais prévu d’arriver au sommet vers seize heures trente, faire une randonnée d’une heure et demie pour pouvoir contempler le soleil se coucher sur la ville. Quinze heures me semblaient un peu tôt pour commencer, mais vu la taille de la file, j’espère ne pas louper le coucher de soleil. Heureusement pour moi, elle avance assez vite, même si les chinois « du continent » (on les reconnait immédiatement), font tout pour doubler les autres et gagner quelques places. Alors que je contemple les gens de la queue, je me dis que c’est vraiment triste de voyager tout seul. Ni parents, ni enfants, ni amis, ni petite-amie, bigre, heureusement que j’ai mon sac à dos… La file avance dans la rue qui est à un tournant, et j’aperçois un immense panneau publicitaire qui nous surplombe, vantant les louanges d’un parfum du nom de Chloé. On verrait ça dans un film, on le croirait pas ; si même les publicités s’y mettent, je vais bientôt tomber sur une offre d’un séjour à Venise… Au bout d’une heure, je parviens enfin devant le bureau et tend les 86 HK$ en déglutissant : on dirait que le repas de ce soir va être plutôt léger… Les gens, impatients d’avoir attendu dans la file se bousculent et, lorsque le tram arrive, c’est l’émeute. Tout le monde joue des coudes, et se rue sur les portes, écrasant tout ce qui se trouvent sur leur passage pour avoir les meilleures places. Lorsque j’arrive dans le tram, il ne reste plus de place assises, et me voilà debout, alors qu’il entame la montée. Franchement, pour le peu de temps que ça dure, et la faible valeur ajoutée du panorama, la traversée est des plus décevantes. Néanmoins, lorsque j’atteins le sommet, il est seize heures quinze, parfait.

Le Peak Tram.

J’avise la Lugar Road, début du sentier d’une randonnée d’une bonne heure et demie et commence à marcher. Je n’ai fait que trotter depuis ce matin, et mes pieds commencent à souffrir, mais qu’importe, j’adore marcher et la ballade a l’air de valoir le coup. En effet, c’est plutôt sympa : nous sommes sur un sentier bien aménagé, à droite le flanc de la colline qui monte encore un peu avec de nombreuses plantes tropicales, à gauche, la ville qui s’étend à nos pieds. Je marche, encore et encore, m’arrêtant parfois pour reposer un peu mes pieds, prendre une photo, ou contempler une vue particulièrement jolie. J’aperçois quelques photographes qui campent devant un spot où le panorama est particulièrement intéressant ; ils semblent attendre quelque chose, mais je n’y prête pas attention et continue ma route. Finalement, la boucle est bouclée et je reviens au niveau de la station, content de la ballade, mais un peu déçu : le ciel était tellement nuageux et pollué qu’on n’a rien vu du coucher de soleil. Tant pis, je m’assieds sur les marches devant les galeries marchandes du Peak, véritable petite ville au-dessus de la ville et fais le point. Il est environ dix-huit heures trente, il ne me reste pas énormément d’argent pour aujourd’hui, et je meurs de faim. Me rappelant les photographes campeurs, je me dis qu’ils attendent peut être la fameuse « Symphonie des Lumières » de vingt heures. Pourquoi pas après tout, je peux bien patienter moi aussi une heure, pour admirer le spectacle. En attendant, je fais un tour dans les galeries marchandes (anecdote intéressante : il y a un restaurant Bubba Gump Shrimp, le fameux restaurant de Forest Gump), et repère énormément d’attrape-touristes en tout genre. Je finis néanmoins par y succomber quand je vois un jeu de cartes (oui, je fais collection de jeux de cartes) : sur ce dernier est inscrit « China’s Red Age ». Intrigué, je jette un coup d’œil et je le trouve excellent : sur chaque carte, il y a une photographie de propagande qui date des années Mao où l’on peut lire des choses du genre : « Long live our great leader chairman Mao » ou encore « Learn from Pan Dongzi and be a good child of the Party » en dessous de la photo d’un jeune chinois souriant. Il me coute quand même 25 HK$, mais j’estime que ça vaut le coup. Voyant l’heure qui tourne, je reprends la Lugar Road à l’envers et vient me poser sur un banc devant un joli panorama. Il fait nuit noire, il n’y a personne autour de moi, j’enlève mes chaussures, puis mes chaussettes et fait respirer mes pieds épuisés. Vingt heures, le show commence sur la ville qui s’étale à mes yeux, c’est magnifique. La ville est complètement transformée après le coucher du soleil, lorsqu’elle revêt ses habits du soir : dans la nuit sombre, les gratte-ciels étincèlent, formant un assortiment des plus étranges. Je prends pas mal de photos, pour moi et les gens qui me demandent de les prendre ensemble et apprécie le spectacle. Une fois fini, je retourne, vers le Peak en passant devant des photographes qui continuent de camper, une fois le show fini. Etrange. Pas le temps de m’interroger plus, je meurs de faim, et j’ai eu le temps de repérer le restaurant le plus bon marché de toute la galerie : McDonald’s. Bon, j’avoue je ne suis pas fier, mais on ne peut rivaliser avec les prix : pour 17 HK$, je peux avoir un BigMac (34HK$ pour un menu). J’opte pour un compromis : un BigMac accompagné en dessert par un chocolat chaud. Je savoure chaque bouchée de mon burger, le pain, les cornichons, la sauce, la viande, le mélange de tous ces ingrédients conjugués ensemble dans ma bouche. Lorsque je l’ai fini, j’ai encore une faim de loup, et je lorgne avec intérêt les chocolats chauds. Small 21HK$, Medium 23HK$, Large 25HK$. On peut difficilement rivaliser avec Macdo, et je me délecte d’une énorme tasse d’un chocolat chaud (avec du lait !) des plus délicieux qui soit. Bon, d’accord, j’avoue que mon jugement est peut-être affecté par le fait que je crève de faim ou que je n’ai pas eu de vrai chocolat chaud depuis trois semaines, mais quand même, c’est le nirvana dans ma bouche. Je savoure chaque lampée, chaque gorgée qui me réchauffe le corps et le cœur : rien ne manque, ni le chocolat, ni le lait, ni le sucre, ni la petite crème de lait sur le dessus, ni même le chocolat saupoudré sur la crème. Après ce moment de pur bonheur, je songe à rentrer à Paterson Street.

La délivrance de la soirée.

Alors que je sors de la galerie, j’entends un grand boum. Intrigué, je regarde autour de moi, mais ne vois rien. Il est presque immédiatement suivi de trois autres bruits similaires : ça ressemble à un feu d’artifice. Un quart de seconde plus tard, le lien se fait dans ma tête : jour férié, feu d’artifice, photographes semblant attendre quelque chose. Du coup, je monte en haut de la plateforme qui domine le Peak et offre une vue imprenable. J’arrive à peine à entrer : la masse de gens concentrée est impensable ; pour avancer, on doit soit marcher à quatre pattes, soit pousser un grand coup et s’engouffrer dans la brèche. Finalement, je me faufile malgré tout, et parviens à atteindre un point où l’on peut voir la ville en bas. Je dégaine mon appareil photo, prend un cliché qui s’avère mauvais, essaie de recadrer… avant de voir que la batterie est morte. Well… tant pis, j’en profite pour savourer pleinement le spectacle. Sous mes yeux, la ville s’étend sous un ciel illuminé, non pas par les tirs de mortier, mais par de grandes gerbes de couleurs. Les feux d’artifice sont principalement de couleurs rouge et jaune, fête nationale oblige, mais un vert ou un bleu sont parfois glissés entre deux. Alors que je me dis que pour ceux qui ont inventé la poudre à canon, le feu d’artifice reste assez banal (excusez mes gouts de luxe), le bouquet final vient me clouer le bec. Des dizaines de fusées s’élancent vers le ciel, immédiatement suivies d’éclatements sourds qui répandent dans le ciel un bouquet de couleurs différentes qui scintillent pendant plusieurs secondes. Dans une ville normale, ça aurait été très joli, dans une ville comme Hong-Kong, c’est en plus très impressionnant, notamment parce qu’on est aux premières loges pour admirer le spectacle.

Feu d'artifice sur Hong-Kong Island.

Les yeux satisfaits, l’estomac apaisé, les pieds brulants, je me dirige vers le Tram, en même temps que toute la foule… très mauvaise idée. On est repartis pour une heure de queue. A un moment, j’entends le gars derrière moi qui rote à cœur joie au beau milieu de la foule ; je me retourne immédiatement d’un air choqué, mais tout le monde a l’air de trouver ça parfaitement normal. Sacrés chinois, ils m’étonneront toujours…

Finalement, je regagne ma chambre où le British dort déjà. Pas de trace de l’Allemand, surement encore en train de faire la fête. Je veux recharger mon appareil photo pour le lendemain, mais la prise ne colle pas. Je m’y étais attendu et sors l’adaptateur que j’avais acheté à Beijing. Manque de pot, ça ne colle pas non plus, apparemment, ils ont des prises encore différentes à Hong-Kong… Tant pis, je m’endors tout de suite, j’ai un programme chargé demain : Kowloon.

 

Jour 3 : Kowloon.

Dans la nuit, j’entends l’Allemand qui rentre, mais me rendors sans y prêter grande attention. Le lendemain, lorsque mon réveil sonne à huit heures et demie, il est déjà levé. J’en profite pour lui expliquer mon problème, et lui demande s’il n’aurait pas un adaptateur à me prêter. J’ai de la chance, il m’en tend un, avant de partir. Je me dépêche de brancher mon ordinateur auquel je relie appareil photo, Ipod et portable histoire de tout charger en même temps. Heureusement pour moi, cela va assez vite pour l’appareil photo, ce qui fait que je quitte la chambre vers dix heures, mais prêt à prendre de nouveaux clichés. Au programme : Kowloon et ses différents marchés variés. J’en ai dénombré une demi-douzaine, et, dans l’idéal, j’aimerais en faire un ou deux avant d’aller dans un très bon restau pas cher indiqué dans mon guide. Problème, je suis sorti assez tard à cause de ces problèmes de batteries, et le guide dit que si je n’ai pas réservé, ça ne sert à rien d’arriver au restau après onze heures et demie. Pour traverser jusqu’à Kowloon, deux options sont possibles : soit le métro, soit le Star Ferry qui fait la liaison entre les deux berges de la baie. Le ferry n’est qu’à 2HK$, alors autant savourer une traversée en bateau. Le soleil est haut, et le ciel moins couvert, ce qui fait que je peux savourer avec le spectacle avec discernement.

Le Star Ferry.

Quelques minutes plus tard, me voici à l’embarcadère de Kowloon, perdu à nouveau dans la foule, même si ici, le port et l’entrée de la ville ont l’air un peu plus horizontaux. Je longe la rive en passant devant le beffroi de Kowloon, et le Hong-Kong Museum of Space, jusqu’à gagner le métro. Il est onze heures, ça va faire juste pour faire un marché avant le restau… J’accélère le pas, et entre donc dans la station la plus proche : East Tsim Tsa Shui. Une chose à savoir avec le métro de Hong-Kong, c’est que les stations sont quasiment aussi longues que les distances qui les relient. Sincèrement, c’est de la folie, elles s’étendent sous terre sur des centaines de mètres. Celle où je me trouve actuellement m’a l’air particulièrement coriace : elle une vingtaine de sorties différentes réparties un peu partout. En plus de cela, comme elle est située juste à côté du port, elle est utilisée par un nombre très important de gens. Et à Hong-Kong, un nombre très important de gens attire les magasins : du coup, j’ai un peu l’impression de me retrouver dans une galerie marchande souterraine, plus que dans un métro, sérieux, on se croirait à Euralille. Après avoir marché (je ne mens pas) une vingtaine de minutes jusqu’à trouver le quai d’embarquement, je finis par prendre une rame qui m’emmène à Mong Kok, la station du restaurant. Vue l’heure, il est trop tard pour tenter un marché, sinon, je risque de me retrouver sans table. Je sors donc à Mong Kok, et me mets à la recherche du Tim Ho Wand situé rue Kwong Wa. Le problème, c’est que je suis incapable de localiser la rue Kwong Wa : en effet, elle n’apparait sur aucune des cartes, et lorsque je demande aux commerçants du coin, ils me disent qu’ils ne la connaissent pas. Well… après avoir arpenté les rues pendant une demi-heure, je dois me faire à l’évidence, je me passerai du Tim Ho Wand. Problème maintenant : où manger ? J’ai l’air d’être dans un coin moins touristique que la veille, et les prix chutent, mais, soit je tombe sur des restaus encore trop chers, soit je tombe sur des trucs miteux qui me font un peu hésiter. Finalement, je me dis que tant qu’à faire, je vais encore essayer un truc local ; au pire, si je fais une allergie, c’est le midi, et ce n’est pas grave si mes médicaments m’empêchent de dormir à cette heure-ci.

Le front de mer sud de Kowloon.

Je rentre dans une espèce de petit café, pas vraiment un café, mais beaucoup trop petit pour être qualifié de restaurant. Je vois le cuisinier à l’entrée qui semble préparer des dim sum, spécialité hongkongaise, alors je commande une soupe avec des dim sum à la crevette en priant le ciel pour qu’ils ne soient pas assaisonnés à l’huile d’arachide. Lorsque la serveuse me la ramène quelques instants plus tard, je lui demande en chinois si elle n’aurait pas du thé. Elle revient quelques instants plus tard avec une fourchette… Nope. J’essaie cette fois en anglais, mais elle ne comprend rien, alors un des clients assez jeune lui indique ce que je veux. Victoire, la revoilà cette fois-ci avec un verre de thé noir. Je goutte une gorgée : c’est bouillant et super amer. En attendant qu’il refroidisse un peu, je jette un coup d’œil à ma fameuse soupe qui m’a l’air malgré tout très attirante : de l’eau chaude, des herbes, des nouilles et les fameux dim sum à la crevette, ma foi, il est grand temps d’y gouter. Je saisis une paire de baguettes dans un pot sur la table, avant de remarquer qu’elles n’ont pas l’air très clean. Un petit coup de serviette avant (on n’est jamais trop surs), et me voilà empoignant un dim sum : délicieux. La soupe est très parfumée et les nouilles… bah ça reste des nouilles. Je retente une gorgée de thé, mais il est toujours trop brulant. Sans demander mon reste, je déguste cette soupe qui est vraiment un régal. Pendant ce temps, la serveuse tourne autour de ma table et semble m’observer du coin de l’œil. Je ne sais pas vraiment pourquoi, si elle a peur que je m’enfuis de son restau sans payer, mais en tous cas, je ne lui prête pas grande attention. La soupe terminée, je goutte mon verre : encore très chaud, mais buvable cette fois. Je le finis rapidement, et paie l’addition : 21 HK$ (!). Dommage que je ne reste que quelques jours, j’avais une bonne adresse sinon.

Le problème avec la soupe et le thé, c’est que ça désaltère peut-être, mais ça ne rafraichit pas vraiment. Juste en face du restau, j’aperçois un mini-parc, avec, ce qui ressemble à des jeux pour enfants au centre (même si ce sont en fait les vieux qui viennent y faire leurs exercices). Je me pose sur un banc à côté d’un gros chinois qui semble faire la sieste et savoure la douceur de l’ombre. J’avise même avec joie une petite fontaine d’eau potable : tel un parfait voyageur, je sors ma gourde de mon sac à dos, la remplis à ras bord, puis la bois jusqu’à la dernière goutte, avant de la remplir à nouveau. Bon, ce n’est pas tout ça, mais il est treize heures, et je n’ai toujours rien fait de ce que j’avais prévu.

Soyons méthodiques et commençons par ce qui est le plus proche de nous : je tente par tous les moyens de gagner le Fa Yuen Market, mais j’ai l’impression qu’il y a un problème avec ma carte. En raisonnant rationnellement, elle me mène vers des rues qui n’ont pas le même nom sur la plaque que sur la carte. Du coup, après m’être perdu pendant une nouvelle demi-heure, je gagne le métro, ça ira plus vite. Je descends à Prince Edwards Station, la suivante, d’où je gagne Fa Yuen Street beaucoup plus facilement. C’est une longue rue, pas si large que ça, où, des deux côtés sont disposés des sortes d’étals où les vendeurs proposent à la foule des objets des plus variés : ça va des fruits et légumes, en passant par les vêtements, sans oublier les écouteurs etc. La rue est bondée, mais ça reste un spectacle intéressant, bien plus vivant que les forêts de gratte-ciels glacials d’hier. Je remonte la rue qui s’étale sur plusieurs centaines de mètres en direction du Goldfish (poisson rouge) Market. Laissant de côté ma carte à laquelle je ne fais plus confiance, je ne me fie plus maintenant qu’au soleil : ce dernier se lève à l’est et se couche à l’ouest, il est environ quatorze heures, mon ombre est à ma droite, donc je marche logiquement vers le sud. Sauf que je fais encore quelques centaines de mètres avant de réaliser que je ne suis pas où je devrais être. Du coup, je demande à un passant où se trouve le fameux marché aux poissons rouges, et ce dernier m’indique exactement la direction d’où je viens. C’est bizarre ça. Je réfléchis un peu avant de comprendre mon erreur : c’est pas ton ombre le repère, idiot, c’est le soleil. Donc si ton ombre est à ta droite, le soleil est à gauche teubé, et tu ne marches donc pas vers le sud, mais vers le nord ! Une fois cette difficulté réalisée, ça va tout de suite beaucoup mieux.

Fa Yuen's Market. 

Me voilà au beau milieu de la rue du fameux marché, je comprends rapidement pourquoi : tous les magasins vendent des poissons rouges. Ils proposent aussi de nombreux autres poissons, voire des tortues, et dans quelques-uns j’aperçois des reptiles. Certaines boutiques vendent les animaux, d’autres le matériels pour les héberger et les nourrir. A l’entrée on distingue généralement une espèce de murs recouvert de sachets remplis d’eau contenant chacun un petit poisson. C’est très déroutant, mais aussi très esthétique. Si l’on s’enfonce plus en profondeur dans le magasin, on aperçoit alors différents aquariums, plus ou moins importants contenant des poissons de toutes les tailles, formes, et couleurs imaginables. J’ai comme l’impression que les normes sanitaires européennes ne sont pas vraiment respectées ici, et me demande un peu si tous les poissons évoluent dans des conditions qui ne nuisent pas à leur survie, mais je balaie rapidement cette idée. Après tout, je suis là pour admirer le spectacle, pas pour le gâcher.

Goldfish's Market.

Assez enthousiaste, je poursuis ma route vers le Flowers Market, non loin de là. Sur une longue rue, s’étalent une nouvelle fois des magasins proposant fleurs et bouquets à foison. Comme j’ai un programme chargé, je ne rentre pas dans tous les magasins, mais j’avoue que je suis un peu déçu. J’ai tellement vu de choses extraordinaires, que le spectacle, bien qu’éblouissant, m’apparaît un peu fade.

Flowers'Market.

Pour autant, je suis enchanté par le marché aux oiseaux qui se trouve juste au bout de la rue du Marché aux Fleurs. Je suis immédiatement accueilli par une forte odeur et une cacophonie de pépiements en tous genres. J’aperçois des cages un peu partout : sur le sol, posées sur des meubles, accrochées en l’air à un crochet. Ça piaille dans tous les coins, mais c’est un spectacle assez réjouissant. Je dénote une trentaine de « stands » différents (je ne vois pas comment les appeler autrement) où des vendeurs offrent volatiles, équipements et… oui, c’est bien ça, ce qui ressemble à des sacs pleins de sauterelles vivantes. Je m’approche et découvre que l’odeur lourde qui règne sur le marché ne provient pas des oiseaux, mais des insectes en tous genres (sauterelles, mites, chenilles, papillons) que proposent les vendeurs. Ces gens font-ils vraiment cela tous les jours ? On dirait bien oui… J’aperçois un cacatoès qui jacasse avec volubilité. Un enfant le fait taire en le prenant sur son bras et en lui caressant la tête. Je continue ma route, et cette fois, c’est un ara énorme et imposant aux couleurs vives qui retient mon attention. Il est vraiment magnifique. Une chinoise qui semble s’ennuyer le taquine en lui assénant de petites tapes sur les ailes. Il répond en sautant sur son dos, et, tous deux, s’en vont en courant et en hurlant, c’est assez comique. J’arrive dans la partie du marché, et reconnais de jolies cages tressées en osier, dans lesquelles sont disposées trois minuscules « bacs » en porcelaine peinte, contenant des graines ou de l’eau pour l’occupant de la cage. Encore une fois, c’est incroyable de voir ces gens, beaucoup de vieux, principalement des hommes, vivant dans un autre âge, au beau milieu des gratte-ciel.

Birds'Market.

Enchanté par le spectacle auquel j’ai assisté, je mets le cap vers le nord. Direction les New Territories (pas très loin de Kowloon cependant) pour visiter un temple taoïste : le Sik Sik Yuen Temple. Je sors du métro et tombe immédiatement dessus : c’est un temple immense, bien plus grand que le temple Man Mo d’hier. Il a l’air aussi d’être bien plus plébiscité, par ce qui me semble d’abord être des touristes, mais je dirais qu’au moins un tiers des visiteurs sont là pour y prier. Le temple est richement orné, la porte principale est encadrée de deux dragons massifs et imposants. Lorsqu’on entre, on tombe dans une espèce de très large cour, où sont disposées douze statues d’ébène l’entourant. Chacune représente un signe astrologique du calendrier chinois, le tout est des plus impressionnants. Après être resté là un petit moment, j’entre dans le temple proprement dit : une énorme salle en plein air où brulent des tourbillons d’encens, où sont disposées des lanternes, et où s’agenouillent des dizaines de personnes. Le spectacle, tellement étrange aux yeux d’un occidental, a de quoi couper le souffle. Au centre de la salle de prières se trouvent environ cinquante personnes, chacune sur une espèce de petit tapis. Ils s’agenouillent régulièrement devant les statues des divinités qui leur font face, posent des bâtons d’encens, et disposent à côté d’eux des offrandes, principalement des fruits et de grosses oranges vertes, mais j’aperçois aussi un canard laqué, emballé dans une boite. Ça parait tellement loin du monde dans lequel on peut vivre en France, que je ne sais pas trop comment réagir.

Entrée du temple Sik Sik Yuen.

Je continue ma route qui, après m’avoir emmené devant plusieurs autres statues de divinités, me conduit devant une large porte à l’arrière du temple. Un peu intrigué, je la franchis et change totalement d’univers : je suis maintenant sur une large passerelle en pierre, qui est en fait un pont qui traverse un petit étang. Des arbres, de l’eau qui coule, le contraste avec l’agitation du temple est saisissant. Je suis arrivé dans le jardin du temple où le temps semble s’être arrêté. Devant tant de calme et de beauté, je m’arrête sur un des pavillons qui surplombe l’étang et m’y assied pour admirer le spectacle. Derrière, la grande porte d’entrée où l’on peut vaguement apercevoir le temple et ses fidèles. Si l’on se rapproche un peu, on voit les bâtiments richement décorés s’effacer pour céder la place au très large bassin où l’eau est d’un vert de jade magnifique. Des statues de dragons sont implantées de chaque côté du pont et crachent de l’eau dans les bassins. Des allées où la végétation est savamment entretenue entourent et sillonnent l’étang, dessinant des courbes des plus harmonieuses. Elles se croisent et se rejoignent parfois en de petits pavillons très simples, mais très esthétiques. Même les gratte-ciel pourtant environnant semblent s’être évaporés derrière les grands arbres qui entourent le jardin. L’endroit est rempli de poésie : le doux crépitement de l’eau, le pépiement des oiseaux, tout est si calme. Le vent agite doucement la branche d’un bambou, pendant que la carapace d’une tortue qui émerge de l’eau vient en troubler la surface. Vert, gris, rouge, or, le temps semble s’être arrêté. Après toute l’agitation des marchés, le bruit strident des feux de circulation, la forte odeur d’encens et la multitude constante de gens qui m’entoure, j’échoue dans un véritable havre de paix. Devant tant de poésie et d’harmonie, je passe au moins une heure et demie sur mon pavillon, en prenant des notes pour le blog, tout en savourant le spectacle.

Jardin du Temple Sik Sik Yuen. (la photo ne reflète en rien l'ambiance qui y régnait).

Malheureusement, l’endroit ferme à dix-sept heures trente, ce qui fait que je suis obligé de quitter mon repère, et de rompre le charme. Je sors du sanctuaire et me revoilà dans le vrai monde : immédiatement, la multitude de gens et les gratte-ciel me font remettre les pieds sur terre, et me rappelle la réalité environnante, un instant oubliée. Je suis au nord de Kowloon, et il me faut descendre vers le sud pour continuer la suite de mon programme : le Ladies Market et, si j’ai le temps, me poser un peu au Kowloon Park. En attendant, je commence à avoir faim et, étant donné que le repas du midi a été très raisonnable, je compte m’offrir un petit gouter. J’avais repéré à Mong Kok en cherchant le restau ce midi, des pâtisseries typiques qui m’avaient l’air bien appétissantes, du coup, j’y retourne en métro, bien décidé à y gouter. Malheureusement, impossible de les retrouver. Tant pis pour moi, je continue ma route jusqu’au Ladies Market, mais, étant donné qu’il est dix-huit heures passées, ce dernier touche à sa fin. Je le traverse rapidement sans pour autant le trouver génial (j’aurais dû venir plus tôt).

Ladies'Market.

Bon, que fais-je ? Il est assez tard, et j’ai prévu Kowloon Park ainsi qu’une petite promenade le long du front de mer sud de Kowloon avec notamment la fameuse Avenue of the Stars, consacrée aux grandes étoiles du cinéma chinois et cantonnais. Problème, ma carte de métro commence à être vide, et si je veux la recharger, c’est 50HK$ minimum. Le problème est vite réglé : le ventre avant les pieds ; je choisis de descendre tout Kowloon à pied, de passer par le parc, avant d’arriver jusqu’au front de mer. Plus facile à dire qu’à faire parce qu’il y a quelques kilomètres à faire…

Je gagne la Nathan Road, principale artère qui traverse Kowloon de haut en bas et commence à la descendre observant les magasins qui défilent devant moi : montres, vêtements, épicerie, montres, maroquinerie, bijouterie… Je croise un moine bouddhiste qui me demande de l’argent : Ttt Ttt pas de ça avec moi bonhomme, les vrais savent qui sont les vrais, demande à Matteo (en effet, j’ai lu dans le Lonely Planet que les moines qui font l’aumône sont en fait des imposteurs qui escroquent les touristes charitables ; les vrais ne demandant jamais d’argent). Je reprends ma route : bijouterie, banque, montres, Nescquick, pharmacie… hop hop hop hop hop, j’ai cru voir un lapin brun moi ! Je rebrousse chemin de quelques pas, et, en effet, je découvre avec ferveur un énorme pot de Nescquick affiché en vitrine. Je rentre dans le saint lieu, avec l’humilité d’un chevalier qui aurait trouvé le Graal, et commence à faire le tour de l’épicerie. Je me rends compte que c’est en fait un magasin pour expats occidentaux : on y trouve en effet des produits variés venant d’Europe ou d’Amérique. Derrière une boite de Krisprolls, je l’aperçois enfin, siégeant de toute sa magnificence sur son trône de plastique. Un bref coup d’œil vers le bas : 69HK$. Aoutch, sur le moment, ça fait mal, mais je me dis que les pots que j’avais vus hier au supermarché pour 40HK$ devaient être au moins cinq fois plus petits. Et puis de toutes façons, c’est du Nescquick, y a pas à discuter.

Un tronçon de la Nathan Road.

Le sac à dos un peu plus lourd, je continue ma route vers le Kowloon Park. Au bout d’un moment, j’avise une « pâtisserie » : c’est en fait un stand en pleine rue qui vend des spécialités, un peu comme la Gueulardière rue de Béthune, mais façon hongkongaise. Attiré par l’odeur, je m’approche et découvre des viennoiseries intéressantes : d’abord des espèces de plaques de petits croustillons en forme d’œufs alignés tous ensemble, puis des genres de baozi (littéralement des sacs de pâte) enveloppant ce qui ressemble à une pâte de fruits, le tout cuit à la vapeur. C’en est trop pour mon ventre qui ne peut résister : j’achète un de chaque pour seulement 16HK$ ; il se fait tard et ça m’a l’air très consistant, ça constituera mon repas de ce soir.

Patisseries hongkongaises.

Je reprends ma route et marche encore un kilomètre ou deux : logiquement, je ne devrais plus être très loin du parc, quand soudain, j’entends un bruit que je connais bien. Je fais quelques pas et regarde sur ma gauche : non, je ne m’étais pas trompé, c’est en effet un terrain de badminton (deux en l’occurrence), où un match des plus vigoureux fait rage. Afin de calmer mes pieds qui souffrent le martyre à force de marcher sans cesse depuis deux jours (j’aurais dû faire l’acquisition de chaussures de marche, au lieu de ces baskets à la semelle trois fois trop fine), je me pose sur un banc, sors mes pâtisseries, et m’en délecte tout en admirant le match. Pause réparatrice pour mes yeux qui savourent un joli spectacle : les joueurs sont vraiment très bons, pour mon estomac qui apprécie énormément les « croustillons-œufs » et les baozi, et pour mes pieds qui ont le temps de souffler un peu, après tout ce que je leur ai fait endurer. Les idées un peu remises en place, je me rends compte du caractère assez incroyable de la scène : je suis en train d’assister à un match de badminton en plein centre d’Hong-Kong, alors qu’il fait nuit noire, et que les deux pauvres terrains sont encadrés par des gratte-ciel qui montent jusqu’à en avoir mal aux yeux. Voyant qu’ils ont un admirateur, une fois leur match terminé, les joueurs me proposent d’échanger quelques volants avec eux. C’est pas l’envie que me manque, mais, d’abord, je n’ai pas de raquette ni de tenue appropriée, ensuite, il fait extrêmement chaud, et surtout je pense que mes pieds ne seront pas d’accord. Je les remercie néanmoins et poursuis ma route.

Je finis par arriver au fameux Kowloon Park. Un endroit très joli, même s’il fait un peu trop noir pour pouvoir admirer pleinement le spectacle. Je finis par choisir un banc dans un coin paisible. Je suis entouré d’arbres de tous les côtés, à l’exception de devant : en effet, j’ai face à moi un assez grand bassin parsemé de mini-îles, où sont plantées des plantes impossibles à décrire dans l’obscurité. Les seules sources de lumière viennent des gratte-ciel, assez éloignés, et du bassin lui-même : en effet, sur, et même sous l’eau sont disposées des lumières qui donnent à l’endroit un aspect féérique. J’ouvre mon sac, jette un coup d’œil amoureux à ma grosse boite de Nescquick, et finis mes gâteaux hongkongais, que j’arrose de l’eau encore fraiche de ma gourde (oups, je me rends compte ensuite qu’on ne peut ni boire ni manger dans un parc sans prendre une lourde amende). Je laisse vagabonder mes pensées, quand mon attention est soudain attirée par le ciel : il est vingt heures et la Symphonie des Lumières commence. Les arbres entourent tout mon horizon à l’exception d’un carré de ciel, juste en face de moi. Pendant vingt minutes, j’admire ce bout de voute céleste, zébré de rayons verts et blancs. Tel un spectateur au cinéma, j’observe avec enthousiasme le spectacle qui se joue dans le ciel, mais qui se reflète aussi dans le bassin. C’est quand même ahurissant que moi, Antoine Duquennoy, étudiant qui a habité à Wattrelos quasiment toute sa vie puisse contempler un tel spectacle. « Mais pourquoi tu as choisi la Chine, alors que tu aurais pu partir bien moins loin pour être plus proche de ceux que tu aimes ? ». Pour pouvoir vivre des moments extraordinaires comme ceux-ci, tout simplement.

Je me perds ensuite dans des réflexions plus ou moins philosophiques qui convergent toutes vers au moins un point : les voyages, l’ouverture sur d’autres cultures (que l’on apprécie ou non), et la confrontation à l’inconnu sont des étapes fondatrices et des expériences qui forgent véritablement la personnalité d’un homme, et ce qu’il deviendra plus tard. Fatigué de penser, je jette un coup d’œil à la dame qui vient de s’assoir sur le banc voisin : asiatique, la trentaine passée, très élégante, elle sort de son sac un carnet et un beau stylo et commence à écrire. Excellente idée, je sors mon petit cahier de brouillon, et tente de mettre sur papier le compte rendu de ma journée. Une température idéale, une lumière juste assez puissante pour permettre d’écrire, un cadre magnifique, les minutes s’écoulent les unes après les autres. Les seuls troubles à cette harmonie sont les feuilles des arbres qui tombent irrégulièrement sur l’eau, dont elles viennent rider la surface. Ma voisine, malgré les coups d’œil qu’elle me jette parfois, continue d’écrire. Ça se trouve, je suis assis sans le savoir à côté d’une écrivaine hongkongaise de renom qui s’attèle à son nouveau roman. Ça se trouve, je serais peut-être aussi un des personnages de ce nouveau roman. En tous cas, si j’étais écrivain, c’est comme ça que je ferais : je me poserais dans un endroit de mon choix, choisirais avec soin une personne, et l’observerais avec la plus grande attention, en essayant d’imaginer sa vie, et de broder dessus en extrapolant une histoire. Quel beau métier que celui d’écrivain…

Mon doux rêve éclate avec les hurlements d’une bande de gosses qui viennent briser cette élucubration d’Antoine. Trop tard, le charme est rompu. Je me lève, salue ma voisine qui me répond d’un sourire, et quitte cet éden. Après être passé devant une foule de grandes marques et de publicités de plus en plus insupportables et écœurantes (mon corps commence à faire un rejet de tout ce qui m’entoure), je finis par atteindre le front de mer. Le spectacle est magnifique : j’aperçois en face de moi Hong-Kong Island qui brille de mille feux, et dont les buildings étincèlent. Finalement, c’est plus beau de loin que de près. Je longe la jetée, parcours rapidement  l’Avenue of the Stars (bondée pour changer). Je suis un peu déçu, j’aurais bien aimé prendre des photos, mais la batterie de mon appareil m’a lâché en plein milieu de temple cette après-midi.

Une des nombreuses plaques parsemant l'Avenue of the Stars.

Tant pis, un peu fatigué, je reprends l’Avenue en sens inverse et prends le métro jusqu’à ma chambre où je retrouve Simon qui s’apprête à aller se coucher. Il me raconte qu’il est allé sur Lantau Island voir le gros Bouddha, mais qu’il a attendu des heures avant de pouvoir prendre le téléphérique. C’est noté, je tiens compte de ses remarques, car c’est ma destination de demain. Après avoir pris une douche et branché mon appareil photo, j’essaie de trouver le sommeil, mais mes pieds me font tellement mal, que je dois attendre une bonne heure avant de succomber.

Jour  4 : Lantau Island.

Pour autant, je suis le premier levé le lendemain, et, quand je quitte la chambre vers huit heures trente, ils dorment encore comme des grosses larves. C’est parti pour mon dernier jour : je marche sous un soleil qui tape déjà fort en direction des ferries, histoire de voir si je peux gagner Lantau par bateau, plutôt qu’en métro. Plus je marche, plus je sens la différence qu’il y a dans cette ville entre le jour et la nuit : aucun doute, elle est bien plus nocturne que diurne. Je finis par arriver aux embarcadères et trouve un ferry qui part pour Lantau dans trois minutes.

La Bauhinia flower, emblème d'Hong-Kong.

La traversée me rappelle à la fois la navette de Marie-Galante, les cahics de Kalymnos et les vaporettos de Venise. Un peu fatigué, je contemple le paysage avant de tomber dans un demi-sommeil, bercé par les vagues et le bruit du moteur. Quarante minutes plus tard, le ferry débarque dans le port Silvermine Bay. La plupart des passagers du bateau foncent vers le terminal des bus pour qui les emmènent au monastère Po Lin, où se trouve le fameux Bouddha, mais je choisis de rester un peu dans ce charmant petit village qui répond au joli nom de Mui Wo. Concrètement, nous sommes toujours à Hong-Kong, mais le paysage n’a plus rien à voir avec la mégapole que je viens de quitter. Ici, pas le moindre gratte-ciel, ce ne sont que des collines vertes à perte de vue. L’île fait un grand creux, (c’est ce que l’on appelle la baie de la mine d’argent), où est organisé un petit village de pêcheurs et une plage.

Je quitte l’embarcadère, et emprunte un joli chemin ombragé qui longe la côte. Des arbres bien verts, des barques de pêcheurs, une légère brise, des bancs disposés à intervalles réguliers comme une invitation à savourer le paysage, la promenade est des plus agréables. Je finis par m’assoir sur un banc pour contempler la plage. C’est assez troublant car le paysage m’en rappelle plein d’autres : le village de pêcheurs fait un peu penser à Emporios, mais avec la montagne derrière, ça me rappelle la Corse, quant aux pêcheurs, ça fait très Marie-Galante. Du coup, j’ai plein de souvenirs qui viennent me serrer un peu le cœur en repensant à tous ces bons moments passés avec les gens que j’aime… Juste à côté de moi, de vieux chinois discutent paisiblement, en compagnie d’un homme en fauteuil roulant. Je comprends qu’il est malade lorsque je vois une infirmière arriver en poussant un autre homme en fauteuil roulant avec un tuyau dans le nez. Elle l’installe non loin de moi, pour qu’il puisse profiter de la vue, tout en savourant un peu d’air frais. Je reste un instant, puis reprend mon chemin, traverse un pont orné d’une multitude de drapeaux chinois et hongkongais et longe cette fois la plage. Lorsque je me rends compte que je suis arrivé au bout, et qu’il n’y a plus rien, je reprends lentement ma route vers le terminal des bus pour embarquer vers le monastère Po Lin. Il n’est pas encore midi et le prochain bus n’arrive pas avant une demi-heure. Je choisis donc la facilité et opte pour un repas dans le Macdo qui fait face à l’arrêt de bus : repas copieux et pas cher, sans pour autant perdre de vue le bus au cas où celui-ci partirait plus tôt. Les prix sont nettement moins chers dans ce village paumé qu’au Peak, ce qui fait que j’en profite pour m’en mettre plein la panse, pour à peine 20HK$.

Mui Wo.

Je viens de boire la dernière gorgée de Coca quand je vois le bus arriver, parfait. Je déchante un peu quand je vois les prix, quasiment la même somme que mon repas pour m’emmener jusqu’au monastère. De toutes façons, je n’ai pas le choix, c’est beaucoup trop loin pour y aller à pied. Me voici dans un bus climatisé, qui serpente pendant une bonne demi-heure pour monter au sommet de la colline. Il n’en faut pas plus pour que je m’endorme. 

Me voilà arrivé au monastère Po Lin. Je ne sais pas trop comment ça fonctionne (Lantau n’est pas indiquée sur ma carte), mais je crois comprendre qu’à droite, c’est le chemin vers le monastère et le Bouddha, et à gauche, celui pour le téléphérique. Je me rappelle les paroles de Simon hier : il est à peine treize heures, à mon avis, il n’y aura pas trop de monde au téléphérique à cette heure-ci, alors autant en profiter. Je longe une longue rue parsemée de magasins proposant de nombreux souvenirs pour touristes, dont un magasin de baguettes assez incroyable. Je finis par arriver devant le téléphérique et constate que j’avais raison : une petite cinquantaine de personnes à peine forment une file, ça devrait aller vite. Je me retourne et aperçois au loin le Bouddha qui domine le paysage : on se voit tout à l’heure mon pote. Je fais la grimace en voyant les tarifs du téléphérique : 188HK$ aller-retour, et il me reste… un peu moins de 100HK$ pour finir mon séjour à Hong-Kong. Bigre. Du coup, je prends un aller simple, pensant faire le retour à pied, c’est l’occasion de faire une jolie ballade.

Le Bouddha, que je n'ai aperçu que de loin.

Je rentre dans une nacelle avec une petite dizaine de chinois et c’est parti. Moi qui ai le vertige, je déglutis lorsqu’elle quitte la plate-forme et s’élance dans le vide. Le paysage est certes magnifique, mais je n’en mène pas large quand même. Alors que la nacelle avance, j’étudie les possibilités de retour à pied. J’aperçois à plusieurs dizaines de mètres plus bas un petit chemin qui suit le trajet du téléphérique. C’est joli, ça a l’air sympa, il y a plein d’arbres et tout, ça devrait faire une belle ballade. Par contre, j’aperçois le terminus du téléphérique au loin, ça va faire un peu long, mais tant pis. Lorsque la nacelle arrive au fameux terminal, je me rends compte que c’est juste une étape pour que se rejoignent les câbles, mais que le parcours continue. En effet, la cabine s’élance de plus belle vers l’horizon. Eh ben, ça va faire une sacrée trotte au retour, surtout que ça monte et que ça descend. Heureusement, on arrive bientôt au terminus … qui se révèle encore n’être qu’une étape vers la suite du trajet. Aoutch, là, ça fait au moins une dizaine de kilomètres, on le fait, on le fait pas ? Allez, on y croit ! Même scénario quelques kilomètres plus loin : le paysage est tellement vaste qu’il est impossible de dire quand le téléphérique prend fin. Du coup, on recroise une nouvelle étape, qui me fait sacrément hésiter… Si je fais le retour à pied, j’en ai au moins pour trois heures, avec des pieds dans un état pitoyable… Challenge accepted ! L’étape suivante me fait cependant déchanter : non seulement, elle ajoute des kilomètres supplémentaires (mais quand est-ce que ce truc s’arrête ?), mais en plus, je vois que le téléphérique franchit un bras de mer… pour le coup, impossible à traverser à pied. Tant pis, je me fais une idée, et me résigne. Le paysage est magnifique : on aperçoit l’aéroport et les avions décoller, on passe au-dessus de l’eau, mais j’avoue que je suis un peu préoccupé : je ne sais pas comment je vais faire pour rejoindre le Bouddha. Soit je retire de l’argent pour m’assurer le retour, soit je fais une croix dessus.

Vue du téléphérique de Lantau.

Bon, tant pis, je retire 200HK$, ça m’embête, mais après tout, ça ne fait qu’une vingtaine d’euros. Mais quand je retourne au téléphérique pour le reprendre en sens inverse, je n’arrive même pas à voir l’entrée, tellement il y a de monde. Bon, ça y est, ça me fait chier, je commence à en avoir marre de tout ça. Du coup, je prends la direction du métro, commande un chocolat chaud dans un Macdo pour me calmer, mais je n’y arrive pas. Je ne sais pas pourquoi je suis énervé, peut-être est-ce le désenchantement, peut-être est-ce la solitude, peut-être est-ce le ras le bol de voir tant de monde partout. En marchant vers le métro, je tombe sur une pub qui commence par une citation de Victor Hugo en anglais, on dirait vraiment un blague : « the greatest happiness of life, is the conviction that we are loved ». Merci bonhomme, ça va beaucoup mieux maintenant, actuellement, je sens que je suis très aimé… Quoiqu’il en soit, je retraverse Hong-Kong en métro pour rentrer dans ma chambre, et  j’en profite pour dormir un peu.

Lorsque je me réveille vers dix-huit heures, ma colère s’est calmée, et je suis juste déçu de ne pas avoir été visiter le monastère. Tant pis, c’est tout, il faudra se faire une raison. Je me retrouve comme un idiot avec un petit peu d’argent supplémentaire, du coup, je jette un coup d’œil à mon guide et essaie de repérer un restau sympa pour le soir. Va pour le Tung Po, qui m’a l’air pas mal. Je sors à North Point, la station de métro la plus proche et me mets en quête de la Java Road. Je marche un peu, et me rends compte qu’il est en fait au cœur d’une espèce de grand (super)marché. Au rez-de-chaussée les fruits et légumes, la viande etc., au premier étage les restaurants. Enfin des restaurants, c’est vite dit ; ce sont principalement des petits carrés délimités par des barrières en osier où sont alignées quelques tables. Je parcours le premier étage, mais ne trouve que des inscriptions en caractères, ce qui fait que je n’arrive pas à identifier le Tung Po. Ça m’étonne quand même un peu que le guide ait conseillé un restau avec un titre en alphabet latin, sans mettre les caractères chinois, si ce dernier n’est pas lisible pour un occidental, du coup, je refais un tour du premier étage. Bonne idée, parce que je le trouve finalement tout au fond, engoncé entre le coin du mur et un autre restau. Lorsque j’arrive, la serveuse a l’air de me considérer comme un extraterrestre ; à mon avis, il n’y a pas beaucoup d’occidentaux qui viennent dans son établissement. Qu’à cela ne tienne, les photos sur le mur me mettent en appétit. La serveuse me rejoint avec une bouteille de Carlsberg d’un litre, et avant, que je n’ai pu ouvrir la bouche, la pose devant moi en assénant le mot « discount ». Ca m’étonnerait que le Tung Po fasse des promos du jour, et encore moins sur une bière comme la Carlsberg, mais je préfère garder le silence. On m’apporte un menu, mais j’avoue que j’ai du mal à m’y retrouver avec uniquement les caractères. Compatissante, la serveuse en déniche un sous-titré en alphabet latin et me l’amène, tout en m’indiquant la « spécialité du chef », c’est-à-dire le plat le plus cher. On va peut-être pas exagérer cocotte, surtout que j’ai aucune idée d’à combien va me revenir la bière, donc je choisi un compromis qui m’a l’air avantageux en commandant le « crunchy chicken with spicy salt ».  Je ne sais pas trop si c’est moi qui n’ait pas tout saisi en anglais ou si c'est la traduction du restau qui est pas top, mais je n’ai qu’une idée très vague de ce qu’on va m’amener. Quelques minutes plus tard, j’ai ma réponse : je distingue quelques bouts de poulets frits perdus au milieu d’une marre de cristaux bruns qui ressemblent énormément à des cacahuètes écrasées. Du coup, je ne peux pas m’empêcher de demander à la serveuse en montrant les éclats bruns très suspects : « Shi bu shi huasheng ? » (est-ce que ce sont des cacahuètes ?). « Shi ! » (oui !) me répond-elle. Je lui explique alors que je suis allergique et elle me répond immédiatement : « bu shi » (non, ce ne sont pas des cacahuètes). Well… cruel dilemme. Lui faire confiance ? Ça me semble un peu risqué puisque j’ai l’impression qu’elle n’a rien compris à ce que je lui ai raconté. Dépenser l’argent qui me reste pour un autre plat, dont je ne suis même pas sur ? Ce serait dommage. Du coup, après avoir fait ma prière, j’avale une bouchée de poulet parsemée d’éclats bruns.

Tung Po Restaurant.

Première réaction : waaaa, ça pique ! Seconde réaction : huumm, pas mauvais du tout ! Troisième réaction : ça ressemble plus à de l’ail frit qu’à des cacahuètes… J’attends quelques instants, pas de réaction apparente. Du coup je reprends une bouchée, oui, à mon avis, c’est de l’ail grillé. Rhoo et puis, j’en ai marre de toutes ces précautions, j’ai envie de profiter pleinement pour une fois de mon repas. Du coup j’avale une bouchée, puis une deuxième, puis une troisième, avant de ralentir fortement. En effet, c’est délicieux… mais ça arrache ! Du coup, je fais passer le tout avec quelques verres de Carlsberg, ça aide. Je mange environ la moitié de mon plat et essaie de faire un bilan : ma langue me pique plus que mes lèvres… c’est plutôt bon signe ! Je finis donc mon repas en me régalant, et m’en sors pour 75HK$.

Il est environ dix-neuf heures, que faire ? J’ai raté le Bouddha tout à l’heure, alors autant profiter d’un maximum de choses avant le départ de demain. Cap sur l’embarcadère des ferries, direction Kowloon. Je ne sais pas si c’est parce que je suis fatigué, mais la bière m’a rendu complètement saoul. Je me perds un peu et finis par atterrir au milieu du Hong-Kong Convention and Exhibition Center. C’est un édifice très imposant conçu pour accueillir les conventions, les évènements ou les grandes réceptions des gens importants de Hong-Kong. Même si je suis en short, et que je trimballe mon sac à dos, je ne sais pas comment j’arrive jusque-là, mais je m’y enfonce assez profondément. A un moment, une sorte de majordome m’interpelle et me demande des papiers d’identification ou mon ticket d’entrée ou je ne sais plus quoi. Ce dont je me rappelle, c’est de lui avoir répondu d’un grand « Bonjouuuuur ! », ce qui n’a pas eu l’air de lui plaire, puisqu’il m’a poliment indiqué la sortie.

Hong-Kong Convention and Exhibition Center.

Obéissant, je termine dans la rue et marche un peu jusqu’au ferry. Ça me fait du bien, puisque je commence à retrouver mes facultés pleines et entières une fois dans le bateau. Me revoilà sur le front de mer de Kowloon. J’ai choisi d’y revenir, parce que j’étais passé un peu vite la veille, et que je n’ai pu prendre aucune photo. Du coup, je m’en donne à cœur joie, et me fais même tirer le portrait par un photographe sur le front de mer. Bah oui tant qu’à faire, autant avoir une photo de moi à Hong-Kong quand même, ce serait dommage. J’emprunte l’Avenue of the Stars, que je trouve finalement assez ennuyeuse, et choisis de remonter vers le nord.

Vue d'Hong-Kong Island depuis l'Avenue of the Stars.

Mes pieds ne partagent pas forcément cette idée, mais je ne leur demande pas leur avis. Je m’arrête devant le stand d’un vendeur et lui achète un baozi, que je déguste quelques centaines de mètres plus tard dans une sorte de mini-parc. Je me pose sur un tabouret en pierre devant une table où un jeu d’échec chinois est gravé, et commence ma dégustation, histoire de faire souffler mes pieds. Il y a plein d’autres sièges partout, mais un homme d’une bonne quarantaine d’années me salue d’un « hello » et vient s’assoir juste en face de moi. Logiquement, je pense que j’étais sobre quand ça s’est passé, mais j’avoue que la scène m’a parue bizarre. Il était face à moi, à moins d’un mètre, et, après m’avoir salué n’a cessé de fixer un point derrière mon dos. De temps en temps, il parlait en cantonnais, comme s’il donnait des ordres, ou faisait un bref compte-rendu. Moi, j’étais pas trop à l’aise, je me demandais si c’était un taré, ou alors, ça se trouve, c’était un policier en civil qui était en mission et allait interpeller quelqu’un. Pas trop rassuré, j’ai rapidement fini ma viennoiserie, et mis les voiles hors de cette situation quelque peu irréelle. Je continue vers le nord, achète des chaussettes de contrefaçons pour trois fois rien et achève mon périple dans la Rue du Temple.

En effet, celle-ci accueille tous les soirs le marché nocturne de Temple Street. Ce dernier commence au coucher du soleil et s’achève vers minuit, une heure. On dirait une immense braderie de Lille ou l’on peut trouver toutes les choses dont on a besoin, et surtout toutes celles dont on n'a aucune utilité. Chaussettes, sacs, prises, câbles, adaptateurs, gadgets en tous genres, lunettes de soleil, T-Shirts, jeux, briquets, CD, bijoux, sans oublier tous les objets sexuels possibles et imaginables, montres, statuettes, figurines, téléphones, casques audio, vieux bouquins, papèterie, raquettes anti-moustiques, maillots de foot… je ne me rappelle que de quelques-uns, mais il y a des centaines de produits différents, dont la plupart sont bien entendu des contrefaçons. Je déambule de stands en stands, de surprises en surprises. J’avise un joli sac en bandoulière Levis (enfin, c’est l’idée), dont je demande à la vendeuse le prix. 380HK$ me répond-elle aussitôt. Très bien, je fais mine de m’en aller pour sonder sa réaction ; je n’ai pas le temps de faire un pas que son bras s’enroule autour de mon épaule et qu’elle me fait une seconde offre à 200HK$. Bon, déjà tu retires ton bras s’il te plait, et ensuite, même s’il a l’air joli, je n’ai pas tout ça à claquer, et encore moins dans une contrefaçon. J’attends une troisième offre de sa part, qui ne vient pas ; apparemment, elle pense le vendre pour plus cher à d’autres. Je continue mon chemin et aperçois des stands où le vendeur (ou la vendeuse) est assis(e) devant une table, mais ne propose rien. Intrigué, je m’approche, et ils m’invitent à m’assoir, mais je comprends que ce sont en fait des devins ou des diseurs de bonne aventure. Très peu pour moi les gars, même si j’avoue que le spectacle est assez étonnant.

Temple Street Night's Market.

J’avise un stand de T-Shirts où j’en repère un qui m’a l’air très joli. 33HK$, ça reste assez raisonnable, mais, d’abord, ça fera juste pour assurer financièrement le lendemain, et ensuite, j’ai cru comprendre que c’était l’endroit où marchander. Tout en le connaissant bien, je demande le prix à la vendeuse qui me l’indique. Je fais immédiatement mine de m’en aller, attendant un bras qui s’enroule autour de mes épaules… mais qui ne vient pas. Tant pis ! Je continue ma route et repère le même quelques stands plus loin : pas de prix alors je tente ma chance. Combien ? 28HK$. Je propose 20, elle me répond 25, pas plus. Je fais mine de m’en aller, et, encore une fois, c’est en vain que j’attends qu’elle me rappelle. Je réfléchis un peu et, quelques secondes plus tard, fais demi-tour et revient, penaud à son stand lui tendant les 25$. Je rebrousse chemin jusqu’au métro, mais me rends compte que si je veux me prendre un chocolat chaud demain matin avant d’embarquer, ça va être limite pour le métro. Du coup, je paie juste de quoi traverser la baie (dur de faire autrement), et fais le reste à pied. Du moins, c’est ce que j’avais prévu, mais après trois jours pleins de marche, ceux-ci sont au supplice. Chaque pas leur arrache une plainte et il me reste environ trois kilomètres à faire avant d’atteindre ma destination finale ; j’ai l’impression d’être Jésus sur son chemin de croix.

Finalement, c’est la délivrance, je plonge sous la douche puis sous la couette (enfin, non pas de couette, il fait beaucoup trop chaud), et m’endors pour ma dernière nuit ici.

 

Jour 5 : Le voyage s'achève.

Le lendemain, je prépare mon sac le plus silencieusement possible, mais je réveille les deux comparses. J’échange ma clé au comptoir contre ma caution, dis au revoir à mes deux compagnons de cellule, et fête mon départ avec un chocolat chaud au Macdo.

C’est parti pour une journée bien millimétrée : huit heures trente : réveil. Neuf heures : chocolat chaud avec mes derniers deniers. Neuf heures quinze : métro direction l’Airport Express. Neuf heures trente : Airport Express direction l’aéroport. Dix heures quinze : arrivée à l’aéroport. Dix heures trente : billet obtenu et bagages enregistrés. Dix heures quarante-cinq : contrôle de sécurité passé avec succès. Je suis assez fier de moi : avec une précision et une régularité qui ne sont pourtant pas mes principales qualités, je suis parfaitement dans les temps : j’ai deux heures devant moi avant le décollage. Je ferais bien un petit tour de l’aéroport, mais mes pieds ont déjà bien assez souffert comme ça. Je patiente une demi-heure, avant de fouiller au fond de ma poche : il me reste en tout et pour tout 10.52HK$. Ça tombe bien parce que j’ai soif. Je me dirige donc vers Macdo (ça commence à devenir un réflexe), qui propose les boissons les moins chères. Je plisse les yeux et distingue ce qui ressemble à une promotion : 15HK$ la bouteille d’eau. Whaaaat ? Dans Hong-Kong, c’est à peu près la moitié, sans même parler de Beijing où elles sont cinq fois moins chères. Mais non, c’est bien ça, je ne me suis pas trompé. Un peu dégouté, je jette un coup d’œil à la carte et aperçois que la boisson la moins chère est un verre de jus d’orange pour 10.5HK$. Je recompte rapidement ; oui, j’aurai juste assez.  Mais le coup d’œil au menu m’a mis en appétit, et je pense avec morosité que je ne mangerai pas dans l’avion (pas envie de faire une crise d’allergie à 10 000 mètres au-dessus du sol). 34HK$ pour un menu complet avec frites et boisson, presque le prix de deux bouteilles d’eau tsss… La file avance, et voilà mon tour. J’approche du comptoir… où j’aperçois un lecteur de carte bleue (chose très rare ici, car tout se paie en liquide). Ni une, ni deux, je vais me faire un bon petit repas avant de décoller, ça ne coute que quatre euros après tout…

Le ventre plein, l’esprit rasséréné, je regagne la porte 22 et embarque quelques minutes plus tard. Dans l’avion, rien de bien intéressant à part une hôtesse qui me renverse un verre dessus (de l’eau heureusement), et le film qu’ils projettent : c’est excellent, c’est l’histoire d’une cadre urbaine d’une grande entreprise qui est mutée en Mongolie Intérieure (une province chinoise), pour les besoins de sa compagnie. Au début elle le bouffe, mais s’adapte rapidement et devient meilleure amie du monde avec les paysans. En gros, c’est une sorte de Bienvenue chez les Chtis à la jaune, histoire d’unifier le peuple chinois et d’éviter un trop grand décalage entre les différentes provinces pour conserver un sentiment national.

Bilan :

Bien, ici, s’arrête mon récit. Je me rends compte que j’ai beaucoup écrit, mais c’est aussi parce que j’ai vécu pas mal de choses. Alors que penser de ce séjour ? On fait le bilan, calmement, en se remémorant chaque instant… Ce que je retiens de Hong-Kong ?

Une ville de folie et de démesure. Mais pas que.

Forcément, c’est le côté incroyable qui marque et dont je me souviendrai le plus. Comment l’homme est arrivé à construire une ville pareille et à y vivre ? C’est inutile de le décrire, je crois qu’il faut y aller pour s’en rendre compte de soi-même. Cette impression d’être une fourmi. D’abord parce que nous grouillons tous dans la masse, en suivant bêtement des routes bien tracées (et je ne parle pas uniquement du métro), jusqu’à une destination où nous pourrons consommer de tout notre saoul. Quelques-unes s’égarent, mais reviennent bien rapidement dans le sillon collectif. Et ensuite, parce qu’on a l’impression d’être dans une ville façonnée par des dieux. Les buildings ne nous toisent même plus, ils nous dominent de toute leur stature. Je passerai sur la luxure et l’orgie de toutes les grandes marques qui fait très rapidement friser l’écœurement.

Pour autant, ne retenir que cela serait simpliste, voire idiot. Lorsque je me suis perdu dans les rues du nord de Kowloon, cette impression s’est véritablement évanouie. Certes, j’étais toujours entouré de buildings, mais, d’une part, ils étaient moins hauts, et d’autre part, les choses captivantes se trouvaient dans la rue. En effet, j’ai trouvé les hongkongais, bien plus intéressants que les touristes cosmopolites au comportement moutonnier. Les sociologues trouveront peut-être là un biais, étant donné que l’inconnu m’influence positivement, mais, soit, pourquoi pas après tout, j’assume.

Mon meilleur souvenir d’Hong-Kong n’est ni à Hong-Kong Island, ni à Kowloon, ni même à Lantau. Non, il était dans les New Territories, au Temple Sik Sik Yuen. En essayant d’analyser pourquoi, je me rends compte que ce qui m’a charmé, c’est le calme, la volupté, et la complétude de l’endroit. Ce qui m’a profondément touché, c’est justement d’harmonie avec l’environnement, de cohabitation paisible entre l’homme et la nature... ce qu'on ne retrouve en rien dans la ville. 

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Enfin! Des nouvelles! Tous ces jours à actualiser la page d'accueil sans résultat, je commençais à désespérer. <br /> <br /> Ça fait plaisir d'avoir de tes nouvelles et de savoir que tu profite un maximum de cette expérience. <br /> <br /> <br /> <br /> Sur Lille, la vie suit son cours. Tu as raté Lille 3000 ce week-end! C'était assez impressionnant! <br /> <br /> <br /> <br /> On pense à toi. Have fun Bro' ;)<br /> <br /> <br /> <br /> Marshall Eriksen<br /> <br /> <br /> <br /> PS : La saison 8 d'HIMYM est diffusée en ce moment si tu as le temps.
Un français à Beijing
Publicité
Archives
Publicité