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Un français à Beijing
26 mai 2013

Chapitre 10 : Kunming, Cité du Printemps Eternel.

 Chapitre 10 : Kunming, Cité du Printemps Eternel. 

 

Après une très courte nuit, je suis réveillé par les cahotements du train. Je jette un coup d’œil à mon portable : six heures trente. Je me retourne dans mon étroit lit et entrouvre avec un sourire le rideau de la fenêtre. Devant mes yeux, le soleil se lève sur le Yunnan. En effet, pendant la nuit, nous avons (enfin) traversé la frontière et quitté le Sichuan. Notre aventure nous amène donc dans le Yunnan, ancienne terre d’exil des dignitaires tombés en disgrâce. Cette province est en outre fascinante pour sa diversité. De paysages d’abord (jungles impénétrables coupées par le Mékong, au sud ; rizières en terrasses à l’est ; ou encore les vertigineuses montagnes enneigées au nord), mais aussi de populations. En effet, plus de la moitié des minorités ethniques du pays résident dans la région qui offre un exceptionnel aperçu de la mosaïque culturelle chinoise. 

Après quelques minutes, le train ralentit, avant de s’arrêter complètement. Les deux autres me rejoignent et ensemble, nous sortons de la gare. Premier regard sur Kunming, ville que l’on a eu tant de mal à rejoindre, ville dont ma sœur m’a tant parlé, après y avoir passé une année. Et la première chose qui me frappe, c’est la chaleur : en effet, il est à peine sept heures, et je commence à étouffer sous mon léger manteau. Quand on pense qu’au même moment, il fait -15° à Beijing, c’est sûr que ça change. D’ailleurs, nouvelle différence avec les décors précédents : tout le monde est en T-Shirt à manches courtes, en short ou en robe. Quand on pense qu’il fait ce climat là toute l’année, pas étonnant que Kunming soit appelée la « Cité du Printemps Eternel ». Je jette un coup d’œil autour de moi et aperçois (pour la première fois depuis que je suis en Chine) un homme avec une kippa. Quelques minutes plus tard deux autres, avec un kufi (chapeau musulman). Ça change des Pékinois. Malgré le monde, la ville qui s’éveille me donne dès le début une bonne impression : en effet, même si on a nos gros sacs, qu’on ne sait pas où on va et qu’on est fatigués, c’est finalement assez agréable d’arpenter les rues bordées de petits marchands.

On arrive au « Hump », une auberge de jeunesse assez branchée, qui a l’avantage d’avoir une grande terrasse en plein air, dominant une des principales places de la ville. Pour autant, tout ce qu’on veut, c’est trouver notre chambre et prendre une douche. Une fois propres et bien installés, on s’accorde une bonne heure de sieste, avant de repartir. Il est environ midi lorsqu’on sort de l’hôtel, et la ville n’a rien perdu de son charme.

On déboule sur la grande place dont je vous avais parlé précédemment, et sommes immédiatement interpelés par l’odeur. En effet, aux endroits stratégiques sont postés une dizaine de vendeurs de brochettes, avec leur barbecue transportable, qui grillent des brochettes de viande, légume, ou poisson. Du côté de la grande arcade qui domine la place, des vendeurs de fruits nous proposent des pastèques ou des ananas « sculptés » à déguster sur un baton. C’est bien gentil tout ça, mais nous, on est vraiment affamés, et ce ne sont pas quelque malheureux bouts de viandes ou de fruits qui vont nous repaitre. Fidèles à nos amours, on se met donc en quête d’un restau de raviolis, qu’une fois de plus, on dévalise.

Nous sommes du côté sud de la ville, on prévoit donc de monter vers le Nord. Dans une ville comme Pékin, on aurait pris le métro, voire un taxi, mais ici, on est presque invités à marcher, tellement c’y est agréable. A vrai dire, en écrivant mon article, je réalise qu’à Kunming, on n’a pas fait grand-chose à part finalement, marcher, et se promener dans les rues. Il est donc un peu difficile pour moi de vous raconter des faits, étant donné que ce sont plus des ambiances et des décors. Si je devais décrire ce que j’ai retenu de Kunming en quelques mots, c’est que ça ne ressemble pas à une ville chinoise. Après seulement quelques mois passés en Chine, c’est un peu présomptueux de dire ça, mais, mon idée, c’est que c’est une ville carrefour. Ne serait-ce que par son histoire ou sa géographie d’ailleurs. En effet, elle est à quelques centaines de kilomètres à peine (échelle chinoise) de la Birmanie, du Laos et du Cambodge. De même, historiquement elle a été l’objet de nombreuses conquêtes et reconquêtes entre les divers empires, sans oublier que c’est une ville qui est sur le parcours de la fameuse « route de la soie » reliant l’Orient à l’Occident. Je dirais donc que trois influences s’y interpénètrent : l’influence chinoise, sans aucun doute, l’influence musulmane, et j’irais même jusqu’à dire l’influence occidentale. En effet, rien qu’au niveau architectural, les mosquées côtoient les temples, qui jouxtent les énormes centres commerciaux où les marques européennes et américaines se comptent par dizaines.

Bref, un peu émerveillés par ces contrastes et ces différences, nous nous baladons en ouvrant grand les yeux. On remonte l’avenue principale puis bifurquons vers le quartier musulman ou plutôt ce qu’il en reste. En effet, s’il était jadis prospère, il a été entièrement rasé en 2007 (merci Beijing). Tout ce qu’il en reste, c’est une immense mosquée que l’on essaie de visiter mais qui est malheureusement interdite au public.

Les deux s’achètent une glace, et moi un jus, et nous marchons dans ce que je pourrais qualifier de « vieille ville », c’est-à-dire des rues et des maisons en bois extrêmement vieilles, mais abandonnées pour la plupart.

On oblique ensuite vers « le marché aux oiseaux et aux fleurs », où l’on peut en réalité trouver tout et n’importe quoi, y compris des oiseaux et des fleurs. Je retiendrais principalement, les stands de bijoux, de babioles vertes (jade et autres), de curiosités, de bibelots, de tapis, et de gadgets divers, ainsi que d’innombrables objets étranges, sans oublier bien sur tous les animaux : chats, oiseaux, poissons en tous genres, lapins, souris, serpents (à qui l’on donne des souris vivantes), insectes, lézards, ainsi qu’un autre animal que je n’ai jamais vu. Ca ressemble à un lapin qui se tiendrait sur deux pattes, ou une souris énorme avec des oreilles géantes et une abondante fourrure ; je demande à Erik et Fred s’ils savent ce que c’est, mais j’avoue que leur réponse « looks like a Pokémon » me semble la plus proche de la réalité.

On passe ensuite devant le Lac Vert, où des centaines, voire des milliers de mouettes tournoient. Apparemment, ça doit être une fierté de la ville, mais je ne mens pas, il y en a un nombre incroyable.

On remonte toujours vers le nord avant d’arriver au quartier des universités. Et là je dois dire que je pense beaucoup à ma sœur, avec pas mal d’envie d’ailleurs, parce que l’Université de Kunming est véritablement géniale. Ce sont des anciens bâtiments au style assez occidental (elle doit dater des années trente) au beau milieu de ce que j’appellerais un jardin. Les bâtiments, reliés par des allées de pierres, semblent comme posés au milieu de palmiers, de fontaines, et de fleurs en tous genres. Quand je pense à mon campus tout gris, au milieu du fog pékinois… 

On longe le Parc du Lac Vert, parcourons quelques rues, puis arriv… Non…  mais oui, c’est bien ça ! Alors que nous sommes en train de dévier vers l’ouest, je m’arrête devant un café dont l’inscription indique «  Café Français ». Ça a l’air tout con comme ça, mais depuis que j’ai commencé ce voyage, la France me paraît tellement lointaine, et là, tout d’un coup, paf. Je n’ai pas à insister beaucoup pour motiver les autres à entrer.

Le cadre est vraiment sympa : entièrement en bois, le café s'étale sur deux étages. Nous montons au premier et nous calons confortablement sur ce qui ressemble à une banquette en mousse autour d’une table. Avec excitation, je regarde le menu et mon cœur s’accélère : crêpe, sandwich et croque-monsieur, avec bien entendu toutes les pâtisseries françaises. Les prix sont assez chers, mais mes envies semblent s’être décuplées en un instant. Avec optimisme, je demande à la serveuse qui vient prendre notre commande : « Une crêpe banane-chocolat, avec un jus d’orange s’il vous plait ». La réponse ne se fait pas attendre : « 啊,什么 ? ». Bon, je me suis peut être emballé. Le temps que ça arrive, je jette un coup d’œil au décor : sur les murs sont posés des affiches françaises : Le Chat Noir de Rodolphe Salis, Ricard, Banania (c’est ça la France !) qui, encore une fois, ne manquent pas de m’émouvoir. A côté de nous, un couple de jeunes chinois sont carrément en train de se partager un joint en discutant à côté de la fenêtre. On peut dire ce qu’on veut, les gens de cette ville ne semblent vraiment pas se prendre la tête. Arrivent ma crêpe et mon jus d’orange : c’est sûr que ça change du riz sauté et des espèces de gâteaux bleus chinois. Je bois une goutte et retrouve avec délice le gout amer qui a bercé mon enfance ; rien à voir avec ces jus contenant 60% d’eau, 30% de sucre et 10% d’orange que l’on trouve ici. Mon amour de la Chine semble s’être évaporé en un instant, et me voilà à retrouver les plaisirs de mon pays. Ca fait d’ailleurs bien rire les deux autres qui s’empressent de me le faire remarquer avec malice. Pour autant, ils n’ont pas l’air malheureux devant leur baguette beurrée avec du salami.

L’endroit est tellement sympa et confortable qu’on y passe deux heures à discuter sans rien faire. Vous voyez un peu quand je vous dis que Kunming est une ville où finalement on ne fait pas grand-chose ? Par contre, quand on sort, on passe immédiatement devant une sorte de cantine qui me rappelle immédiatement où je suis : ça pue, ça crache, et ça fait du bruit en mangeant, on se croirait dans un roman de Zola. En relisant ça, je me rends compte que je sonne extrêmement insultant, voire carrément raciste, mais, je pense que ce sentiment de ras-le-bol (qui exagère forcément les choses), est quelque chose que tout étranger qui part vivre dans un pays à la culture si différente, est obligé de ressentir. Bref, je ferme cette parenthèse.

Ensuite, on va finalement se balader dans le coin, où on repaire une librairie internationale avec des livres en chinois, en anglais, en français ou en allemand. J’ai la très grande surprise d’y retrouver des ouvrages illustrés de ma petite enfance, ainsi que plusieurs livres qui auraient été interdits à Beijing. On passe une bonne demi-heure à fureter entre les bouquins, avant de reprendre la route. Alors qu’on déambule dans une petite rue, on croise un occidental, qui se révèle être Chris, un prof américain qui enseigne la science politique à notre université. Les deux autres ne le connaissent pas, mais, lui et sa femme, Andrea, sont des grands amis de Khaled, ce qui fait que je les ai déjà croisés plusieurs fois. Ils sont trop drôles : lui est petit et bedonnant, alors qu’Andrea est une des plus grandes femmes que j’ai jamais vue. Bref, les croiser dans la rue est assez drôle, mais, pour le coup, se rencontrer comme ça par hasard à plusieurs milliers de kilomètres de Beijing, ça semble carrément incroyable.

On poursuit notre aventure, et, alors que le soleil commence lentement à se coucher, nous revenons sur nos pas et entrons dans le Parc du Lac Vert. L’ambiance est vraiment détendue : la lumière qui vire à l’orange se reflète sur les rides du lac, et les vieux viennent y faire de l’exercice alors que la chaleur commence à redescendre. Nous nous arrêtons à côté de la rive, où une bonne quinzaine de chinois sont en train de chanter. Quand on se rapproche, on voit que leur chanson s’appelle « Nous aimons la Chine ». Sacrés chinois !

S’en est fini de notre petite excursion, on rentre au Hump, et nous prenons une bière sur la terrasse définitivement géniale qui domine une partie de la ville. Alors que l’on discute paisiblement, je repère un point brillant haut dans le ciel. Au début, je crois que c’est un avion, mais après avoir bien observé, je me rends compte que c’est un cerf-volant ; il doit facilement voler à trois cent mètres dans le ciel. Avec le sommeil en retard qu’on accumule, on ne fait pas long feu, et finissons au lit à dix heures.

  

Le lendemain, après une grasse-mat’ des plus agréables, on met le cap vers un petit village dans les environs de Kunming. Là, j’avoue que j’ai un peu honte, car je ne me souviens quasiment plus du lieu. Je ne me rappelle pas du nom, et je pense vaguement, que c’était l’ancienne Kunming. Pour autant, j'ai retenu certaines choses qui m'avaient marqué.

D’abord que c’était assez loin de la Kunming moderne ; on a dû prendre le bus pendant au moins une demi-heure. Lorsque nous sommes arrivés, on a ensuite été visiter les temples. L’endroit était malheureusement bondé de touristes chinois, mais pour autant, je me souviens d’un détail qui m’a marqué, ce sont les peintures sur les murs du temple. Elles m’ont immédiatement fait penser aux oeuvres des primitifs flammands, dont les démons torturent les pécheurs dans les flammes de l’enfer. Bon bien sûr, à la sauce chinoise, mais j’avoue que c’était assez impressionnant de voir ces fresques aussi détaillées, qui plus est sur les murs d’un temple.

Alors qu’on continue notre chemin, on est interpellés par un brouhaha à une centaine de mètres devant nous. On se rapproche et constatons devant nos yeux en pleine rue… une véritable pièce de théâtre. Pour la célébration du Nouvel An, une quinzaine de chinois sont déguisés en pleine rue en différents animaux et humains. Le plus imposant est un dragon -sous lequel se cachent trois chinois qui l’animent- qui ondule au rythme de la musique. Un pêcheur, un lion, plusieurs poissons et coquillages tous incarnés par un chinois évoluent à ses côtés. C’est là où je me rends compte que ma connaissance de la culture chinoise est assez limitée, car contrairement à la foule qui m’entoure, je ne connais ni la symbolique, ni l’histoire qui semblent accompagner cette mascarade. Des pétards sont jetés aux pieds du dragon qui se réfugie dans la bijouterie la plus proche. 

On voit ensuite pas mal de choses, mais ce qui nous attire le plus, ce sont sans aucun doute les restaurants dont l’odeur embaume les rues. On achète une galette de pain du Xinjiang que l’on se partage, histoire de tenir encore un peu. On passe devant des sculpteurs de bracelets, puis devant un magasin qui vend des pierres (des gros cailloux, pas des bijoux ou des pierres précieuses), on fait un détour par une pharmacie (mes problèmes de santé m’ont abandonné, mais ce n’est pas le cas de tous), avant de capituler, et de foncer sur une terrasse en plein air pour nous sustenter.

D’un commun accord, on se propose d’essayer le plat le plus réputé du Yunnan : les « nouilles-qui-traversent-le-pont ». On nous sert un bol de bouillon brûlant (à base de poulet de canard et de travers de porc) assaisonné d’un filet d’huile et accompagné d’une assiette de porc cru émincé, de légumes et d’œufs, ainsi qu’un bol de nouilles de riz. On mélange rapidement tous les ingrédients dans le bol de bouillon, où ils cuisent. On raconte que cette recette fut inventée par l’épouse d’un érudit de l’Empire. Celui-ci étant parti sur une île isolée pour étudier, elle inventa des plats chauds qu’elle lui apportait chaque jour en traversant le ponde. Ce plat de nouilles fut le plus apprécié et appelé « nouilles qui traversent le pont » en hommage à ses déplacements quotidiens. On conclue le tout par un sorbet à la mangue histoire de bien nous rafraichir et reprenons un bus pour Kunming.

Le soir est celui de nos adieux avec Fred : en effet, nous partons quelques heures plus tard pour Lijiang pour rejoindre Sara et son ami dans le nord, alors que Fred reste encore quelques jours à Kunming avant de décoller pour Katmandou. Pour célébrer ça, on se propose de se faire un restaurant coréen. Les deux se prennent une un assortiment de riz et de viande avec le fameux kimchi (choux épicé coréen), alors que j’opte pour une sorte d’escalope pannée au curry. Ils semblent tous les deux regretter leurs choix quand ils voient leur assiette arriver, et encore plus quand c’est au tour de mon plat.

Arrivent les embrassades chaleureuses avec Fred, avec qui, il est vrai, j’ai vraiment passé un excellent voyage, et qui a été très correct avec tout le monde. Erik et moi mettons le cap vers la gare ouest. On a décidé de tenter une nouvelle expérience : le bus de nuit. Expérience qui se révèle désastreuse : lorsqu’on arrive à vingt-deux heures quarante, on se rend compte que le bus était à vingt-deux heures et non vingt-trois. Et là, j’avoue qu’on pète un câble : en effet, non seulement le billet nous a couté trois cent yuans, mais en plus, on va devoir reprendre un taxi pour Kunming, où l’on va devoir repayer une nuit (si l’hôtel n’est pas complet). Bref, gros moment de bad, et même Fred qui nous regarde rentrer avec de grands yeux étonnés comprend que ce n’est pas le moment de se moquer de nous.

 

Le lendemain, Erik et moi sommes plus ou moins dégoutés, et on passe tous les trois la journée à glander. On bouquine, on profite d’Internet pour envoyer quelques mails, on joue aux cartes, bref, on passe une journée plutôt pépère. Et le soir, même scénario, avec cependant une heure d’avance. Nous revoilà à la gare où l’on nous montre notre bus. Après avoir mis nos gros sacs dans la soute, on entre, et là, j’avoue que c’est une surprise.

Essayez de vous imaginer trois rangées dans le sens de la longueur, avec une dizaine de lits par rangée. Ça fait déjà pas mal, mais petite précision, les lits sont à deux étages, avec encore des gens plus ou moins assis tout au fond. Le bus quant à lui à une taille standard, ce qui fait que dans ce bus normal, on est environ une soixantaine. Je ne sais pas si vous arrivez à vous imaginer, mais l’endroit ressemble vraiment à une boite de sardine, où l’on essaierait d’entasser le plus de monde possible. La contrepartie de cette efficacité, c’est que les lits font assez cercueils, et sont minuscules, même pour des chinois : c’est-à-dire que je n’arrive pas à tenir dedans, et que mes pieds dépassent. Pour autant, j’avoue qu’on se marre bien avec Erik, et que l’expérience est assez enrichissante, notamment lorsque le bus se met à rouler. Et croyez-le ou non, mais j’arrive même à dormir quelques heures.

 

 

 

 

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