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Un français à Beijing
23 mai 2013

Chapitre 9 : Panzhihua, rencontre avec la police chinoise.

Chapitre 9 : Panzhihua, rencontre avec la police chinoise.

 

Le lever est, comme vous pouvez vous l’imaginer, assez difficile. A part ma main qui est toujours aussi douloureuse, je m’en sors relativement bien, notamment après la soirée de la veille. Lorsqu’on se lève vers 6h, les pétards semblent s’être tus, à part quelques petites explosions irrégulières. Alors qu’on a tout préparé, et qu’on s’apprête à prendre la route, Erik vérifie son sac… et ne trouve plus son passeport. Gros moment de panique : en effet, on ne peut prendre le train sans passeport, sans oublier tous les autres problèmes qu’occasionnerait la perte dudit document… Après une bonne vingtaine de minutes de recherche intensive, il finit par le retrouver derrière son lit.

On ne traine pas, et on commence notre première mission : trouver un taxi nous emmenant à la gare. Ce qui se révèle très rapidement être une tâche délicate, étant donné… que les rues sont vides. A vrai dire, l’ambiance fait assez surnaturelle : les rues, avenues et les routes sont désertes, mais écarlates. En effet, des monceaux de résidus de pétards jonchent chaque recoin, ce qui fait que, avec les signes sur les portes, il y a du rouge partout.

Notre problème, c’est qu’aucune voiture ne semble circuler. Un peu inquiets à l’idée de rater notre bus, on accélère le pas, jusqu’à rencontrer -miracle !- un groupe d’une demi-douzaine de personnes qui semblent attendre quelqu’un sur le coin de la route. Il s’agit en fait d’un bus (on apprend qu’il n’y en a que trois dans la journée) qui traverse la ville… et passe par la gare. Sauvés !

Je vous rappelle rapidement le plan : comme, il n’y a plus de bus Xichang-Kunming, on prend un bus pour Panzhihua, d’où on peut en trouver un à coup sûr pour Kunming. Lorsqu’on arrive à la gare, celle-ci semble déserte, et notre bus ne compte que quatre autres passagers.

Par un beau soleil, on regarde un film, puis jouons aux cartes, avant d’arriver à Panzhihua. Cette ville à la frontière entre le Sichuan et le Yunnan est connue notamment pour son riche sous-sol et ses mines à ciel ouvert, réputées les plus sures du pays. N’empêche que lorsqu’on y arrive, un épais nuage de poussière (charbon ?) masque le soleil. Une fois arrivés, on sort de notre bus, et on marche vers la gare routière pour prendre notre bus pour Kunming. Sauf qu’une petite surprise nous y attend : la gare est fermée. Ah. Je repense à la dame de Xichang qui nous a affirmé avec certitude que trouver un bus à Panzhihua pour Kunming ne poserait aucune difficulté. Tsss.

Du coup, on est bien embêtés car très peu d’options se présentent à nous.

Soit on attend à Panzhihua que la gare rouvre : on se renseigne, et on apprend qu’en raison du Nouvel An (qui commence sérieusement à nous gaver), elle ne rouvrira qu’une semaine plus tard.

Soit on essaie de louer un taxi ou une voiture pour nous emmener à Kunming : après avoir demandé à différentes personnes, on réalise que ça nous reviendra à 3000 yuans.

Alors qu’on commence un peu à paniquer, Erik, décidément plein de ressources à une idée. Essayer d’aller voir à la gare ferroviaire qui, elle, n’est peut-être pas fermée. Celle-ci semble close, mais, à notre plus grand soulagement, un petit bureau est encore ouvert. On prie le ciel pour avoir un train pour Kunming, et notre vœu est exaucé. Sauf que le fameux train (le seul de la journée) est à deux heures du matin. Tant pis, tout sauf rester ici, par pitié.

On prend nos tickets, nous asseyons dans un coin à l’ombre (il fait un temps magnifique), et prenons notre mal en patience : il est midi, et nous avons quatorze heures à tuer dans ce coin perdu. La gare ferroviaire est assez excentrée de la ville, ce qui fait qu’on ne peut même pas aller s’y balader : en effet, afin d’éviter toute mauvaise surprise, on préfère rester aux alentours de la gare.

Ainsi soit-il, nous nous asseyons tous les trois sur un banc sur le bord de la route, et commençons à jouer aux cartes. Alors que les minutes s’écoulent lentement, les chinois nous dévisagent plus ou moins discrètement, les vieux d’un regard désapprobateur, les jeunes d’un air curieux. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler la campagne chinoise, mais ça m’étonnerait qu’ils aient vu beaucoup d’Occidentaux dans leur vie ; je ne suis pas sûr que la mine de charbon soit une destination prisée des touristes…

Au bout de vingt minutes, un jeune chinois vient me voir, et me demande s’il peut prendre une photo avec moi. Il faut savoir que depuis le début, on fait un concours avec Erik, Fred et Sara, de celui qui sera le plus sollicité pour faire des photos, et il faut dire que les français semblent avoir plus de succès que les suédois. Du coup, je leur lance un clin d’œil appuyé, et ris encore plus quand, un quart d’heure plus tard, un couple vient à nouveau me demander de poser avec eux. Alors qu’on continue de jouer paisiblement (déjà une heure de passée, plus que treize !), je vois deux petites minettes passer devant nous en nous lançant un regard appuyé. Hauts talons, énormes lunettes de soleil et robe d’été, elles doivent être un peu plus jeunes que moi. Dix minutes plus tard, elles nous recroisent dans l’autre sens, et cette fois s’arrêtent… pour me demander de faire une photo avec moi. Cette fois, c’est autour des deux autres de me charrier discrètement, puis de plus en plus audiblement lorsque l’une d’elle me demande mon numéro de téléphone. Et là, devant notre regard ébahi à tous les trois, elle commence à déchirer en deux un morceau de son étoffe vermillon, garde la première moitié, et me noue la seconde au poignet, avant de s’éloigner avec son amie.

On continue de jouer jusque quatorze heures, puis on décide de bouger un peu et d’aller se mettre à l’ombre car on est en plein soleil. On essaie de faire le tour des environs (très restreints), avant de se poser sur un escalier à côté du poste de police.

On est à peine installés qu’en sort un policier qui nous regarde d’un air puissant et commence à nous parler. On se rend en fait compte qu’il nous prie de ne pas rester dehors et d'entrer. On est à peine dans le commissariat qu’il nous invite à boire le thé avec lui, et à poser dans un coin nos bagages qu’on se trimballe depuis le début. Un peu interloqués, on obéit, et nous nous asseyons, alors qu’il pose devant nous trois verres fumant ainsi que des pipas. Bon, vous l’avez compris, il est extrêmement gentil et hospitalier, et, alors qu’il doit retourner travailler, il s’assure que l’on ne manque de rien, avant de nous laisser devant la télé. Comme quoi, il y a des fois, ça paie d’être occidental.

Du coup, nous on ne sait pas trop où se mettre ; on est en plein milieu du commissariat, et chaque policier passe devant nous avec un sourire. En cette période creuse, ils n’ont pas énormément de choses à faire, et ils en profitent pour nous chouchouter. J’entends une sorte de petit brouhaha, et je crois comprendre que les policiers poussent leur collègue (une jeune recrue qui doit avoir notre âge) à venir nous parler, étant donné qu’elle maitrise quelques mots d’anglais. Elle est trop mignonne, toute timide et réservée. Du coup, on la met tous les trois à l’aise et on discute, à moitié en anglais, à moitié en chinois ; on lui raconte notre voyage, comment on a atterrit là, à quelle heure est notre train. Au bout d’un moment, on s’excuse, en lui disant qu’on a vraiment faim, et qu’on aimerait prendre congé pour aller manger un bout.

Immédiatement, elle nous prie de laisser nos bagages ici, convoque un de ses collègues, et nous fait amener… la voiture de police !

Au début, on ne comprend pas tout à fait, mais, oui, c’est bien ça, son collègue va nous servir de chauffeur pour nous emmener au restaurant. Les policiers et les militaires chinois jouissent d’une réputation assez terrible en France, mais pour le coup, je peux vous dire qu’ils s’y connaissent en matière d’hospitalité. Elle monte avec nous, et nous dépose devant un restaurant : apparemment il est trop tard pour que celui-ci nous serve (on est au milieu de l’après-midi). Quand on revient bredouille, elle sort de la voiture, et va elle-même demander au patron, mais apparemment, les cuisiniers ne sont même plus là. On fait comme ça deux ou trois boui-boui, mais c’est tout aussi mort, malgré ses efforts. Elle commence alors à s’excuser platement, mais on lui dit que ce n’est pas grave du tout : on a repéré un supermarché où on achètera des fangbian mian (vous savez les nouilles qu’on bouffe depuis trois semaines). On ajoute à cela un paquet de chips, d’Oréos, et un petit sachet d’ananas confits qu’on s’empresse de leur offrir.

De retour au poste de police, ils nous font chauffer de l’eau pour nos nouilles, et nous commençons à manger sous leurs regards amusés. Ils sont très heureux qu’on leur ait offert les ananas confits, mais je me rends rapidement compte que la fille lorgne les Oréos d’un air gourmand.

Après avoir partagé avec tout le monde, et achevé ce « repas », il nous reste encore huit heures à tuer. On joue aux cartes, regardons des films sur l’ordinateur d’Erik, lisons un peu, puis vers neuf heures du soir, décidons d’aller manger. Cette fois, nous avons plus de chance car un restau semble encore ouvert. Les deux se commandent un riz sauté, avec du bœuf aux légumes, alors que moi, toujours patraque niveau nourriture, m’abstient.

Lorsqu’on rentre au commissariat, une heure plus tard, on comprend que la plupart des policiers rentrent chez eux. La jeune policière n’est plus là, mais son collègue, nous met dans une pièce à l’écart avec un peu plus d’intimité. Après avoir regardé Skyfall, le dernier James Bond, il nous reste encore deux heures et demie, et on commence sérieusement à en avoir marre des cartes et de nos livres respectifs. Erik qui depuis un bon bout de temps lorgne les cinq « casquettes » de gendarmes et de policiers alignées en ordre sur le bureau hésite à les essayer.

Une demi-heure plus tard, nous voilà tous les trois comme des gamins à prendre des photos de nous-mêmes, coiffés de casquettes d’officiers de police. Alors qu’on se marre silencieusement, je remarque qu’une des armoires est à moitié ouverte, et laisse dépasser un bout de casque. Après avoir vérifié qu’il n’y avait aucune caméra dans la pièce, on ouvre l’armoire, et découvrons la panoplie du policier anti-émeutes : casque, matraque, rien ne manque, pas même le bouclier. On n’en peut plus d’attendre, alors, le plus silencieusement possible, je sors chaque équippement, avant de coiffer le casque, de saisir la matraque et d'empoigner le bouclier anti-émeutes. Après un dernier coup d’œil vers la pièce centrale du commissariat, Erik sort un drapeau de prière tibétain et s’en drape, pendant que je fais mine de le poursuivre et de le matraquer. Des vrais gamins je vous dis. Heureusement, personne n’entre dans la pièce, et nous remettons tout à sa place, bien en ordre.

Notre train part dans une heure et demie, il est temps de lever l’ancre. Nous empoignons nos gros sacs et prenons congé de nos hôtes, après les avoir chaleureusement remercié. La gare semble enfin ouverte et, lorsque nous arrivons, nous faisons une fois de plus sensation. Pour autant, je ne sais pas si c’est la fatigue, mais cette fois, ça semble plutôt glauque : en effet, les gens (des hommes malades d’après mes souvenirs x) viennent carrément à côté de nous, et s’arrêtent pour nous regarder.

On est enfin délivrés de tout ça quand notre train arrive (enfin) pour nous amener à Kunming (enfin !).

 

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